La fin de « L’Arabe du futur », Les vieux fourneaux, Adèle Blanc-Sec, etc.: nos 14 coups de cœur (ou de griffe) BD du jeudi 8 décembre 2022

Le jeudi, c’est le jour de notre sélection bande dessinée. Avec, cette fois, l’ultime tome de " L’Arabe du futur ", une plongée au sein de l’agence Magnum, et une autre au sein de la droite extrême. Entre autres plaisirs. Bonnes lectures.

1Vénus à son miroir

Le résumé de l’éditeur

Madrid, février 1649. Diego Vélasquez est le plus fameux peintre du pays et au service du roi depuis plus de 25 ans. Il est grand huissier de la cour, valet de la garde-robe du roi et son valet de chambre. Grand amateur d’art, Philippe IV lui confie la mission de lui rapporter de nouvelles œuvres en Italie.

Il part avec son esclave, Juan de Pareja. Arrivé à Rome, il visite les galeries et les collections Borghese, Farnese, Mattei ou la Villa Médicis, accompagné du peintre Antonio Domenico Trivia, grâce à l’appui bienveillant du pape Innocent X qui lui demande en échange de peindre son portrait.

Il profite aussi de l’ambiance italienne, très différente de celle qui règne en Espagne où sévit encore l’Inquisition. La vie semble plus légère, les peintres sont audacieux. Ainsi, il s’étonne qu’il y ait tant de toiles de nu.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): NU

En février 1649, Diego Vélasquez effectue son deuxième voyage en Italie, officiellement pour y dénicher de nouvelles œuvres d’art destinées à la collection de son roi. Plus officieusement, il y peindra le seul "nu" de sa carrière, nouant au passage une idylle avec son modèle. Un modèle qui pourrait bien s’appeler Flaminia Triva.

C’est du moins l’hypothèse suivie par Jean-Luc Cornette dans cet album venu raconter cet épisode peu connu de la vie du grand homme. Un épisode fascinant, qui en dit beaucoup sur l’homme comme sur l’artiste, mais aussi sur une époque encore dominée par les diktats religieux.

Et le dessin de Mattéo, Italien comme il se doit, ne gâche rien, que du contraire.

2L’Arabe du futur (T.6)

Le résumé de l’éditeur

L’Arabe du futur, une jeunesse au Moyen-Orient (1978-2011) est une série de bande dessinée en six tomes, écrite et dessinée par Riad Sattouf. Vendue à plus de 3 millions d’exemplaires et traduite en 23 langues, elle raconte l’enfance et l’adolescence de l’auteur, fils aîné d’une mère française et d’un père syrien. L’histoire nous mène de la Libye du colonel Kadhafi à la Syrie d’Hafez Al-Assad en passant par la Bretagne, de Rennes au cap Fréhel.

Ce sixième tome couvre les années 1994-2011. C’est le dernier tome de la série.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): FIN

Peut-on être "Arabe" et auteur de bande dessinée ? Le père de Riad Sattouf, omniprésent dans ce dernier volume comme dans les précédents, en doutait. Son fils a prouvé le contraire, et vient conclure cette chronique familiale aux allures de psychanalyse géante par une dernière tranche de vie, à situer entre 1994 et 2011, dans laquelle le petit Riad devient grand, c’est-à-dire… dessinateur.

Bref, une période plus récente, qui fait le trait d’union entre une enfance puis une adolescence mine de rien bien chahutée et un âge adulte qu’on devine plus apaisé, maintenant qu’il en a chassé les vieux fantômes.

Une ultime livrée où l’on retrouve l’humour acide et plein d’autodérision de l’auteur (aussi) des Cahiers d’Esther. Mais qui charrie davantage d’émotions, puisque le temps qui passe est aussi celui qui, parfois, nous prive des êtres qui nous sont chers (ou pas).

Une bien belle conclusion dont on ne ressort qu’avec un regret: oui, c’est déjà fini.

3Hollywoodland

Le résumé de l’éditeur

À chaque initiale, un récit. À chaque initiale, un destin. Los Angeles, la ville où tout le monde se fait son cinéma. Rien de tel que la Cité des Anges pour se brûler les ailes, pas vrai ?

En juillet 2023, nous célébrerons les 100 ans d’Hollywood.

Construites en 1923, les lettres HOLLYWOODLAND étaient à l’origine destinés à commercialiser un nouveau projet immobilier qui s’est attardé. Laissées à l’abandon pendant des années, elles sont restaurées en 1949 en plein âge d’or du cinéma américain (et amputées du LAND par soucis d’économie). Les neufs lettres restantes du mot HOLLYWOOD deviennent alors le symbole de l’industrie du rêve à travers le monde.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): SPÉCIAL

Zidrou et Maltaite font se croiser des destins dans le Hollywood des débuts. Et on ne saisit pas très bien le but de la manœuvre, même si tout cela est trempé, en grande partie, dans l’encre de la véritable histoire des célèbres studios de L.A. Un drôle d’album… même pas marrant.

4Les vieux fourneaux (T.7)

Le résumé de l’éditeur

C’est la fête à Montcœur ! Le maire a décidé d’organiser un "pique-nique de l’amitié et du vivre-ensemble". Hélas, le vivre-ensemble a du plomb dans l’aile, ou plutôt un pic à brochette dans les fesses. Celles du maire, en l’occurrence, victimes d’une agression de Berthe, l’ancienne amante de Mimile.

La fête est donc de courte durée, d’autant qu’on apprend bientôt la mort d’Armand Garan-Servier, le patron de l’entreprise qui porte son nom.

À son décès s’ajoutent d’ailleurs plusieurs incendies inexpliqués qui ne font qu’attiser les tensions déjà palpables dans le village…

Notre avis en un mot (puis quelques autres): GAUCHO

Nos vieux anarchistes continuent la lutte et défendent cette fois des migrants, accusés d’avoir fichu le feu à l’usine Garan-Servier.

L’extrême droite et ses raccourcis faciles sont clairement dans le viseur de ce tome toujours très haut en verbe, en verve et en couleurs.

5Magnum générations

Le résumé de l’éditeur

L’agence Magnum Photos a été créée en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que le photojournalisme était en plein essor.

Ses quatre fondateurs ne sont autres qu’Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, George Rodger et David Seymour qui, conscients de la force du médium photographique pour rendre compte des événements mondiaux, ont voulu permettre aux photographes de garder un contrôle total sur les droits de leurs photos.

Plongez avec nous dans l’aventure Magnum Photos qui vous emmènera aux quatre coins du monde, et vivez l’expérience à travers l’objectif des plus grands photojournalistes du XXe siècle ! "Magnum est une communauté de pensée, une qualité humaine en partage, une curiosité de ce qui se passe dans le monde, un respect de ce qui s’y passe et le désir de le transcrire visuellement". Henri Cartier-Bresson, cofondateur de l’agence Magnum Photos.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): CHOC (S)

Après Dupuis, c’est chez Caurette que Morvan et son équipe continuent l’aventure. Après avoir évoqué les photographes de presse, il convoque les grands fondateurs de l’agence Magnum.

Un choc des photos qui en dit long sur le monde d’hier et d’aujourd’hui.

6Saison brune 2.0.

Le résumé de l’éditeur

10 ans après la parution de Saison Brune, Philippe Squarzoni prolonge son documentaire de référence sur le réchauffement climatique.

Accélérée par la crise sanitaire et les confinements successifs, la numérisation du monde est en marche.

Et tandis que les écosystèmes s’effondrent, l’auteur s’interroge sur la place des nouvelles technologies dans le monde que nous transmettons aux nouvelles générations.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): ÉLECTROCHOC

10 ans après un premier album, Squarzoni continue son travail de fouille sur les causes du changement climatique. Et le fait d’être en ligne 24h sur 24 – à coup de streaming ou de forfaits illimités – constituera peut-être le dernier clou de notre cercueil, ce que dénonce cet album-électrochoc.

7Adèle blanc-sec (T.10)

Le résumé de l’éditeur

Grâce à Honoré Fia, son illustrateur de beau-frère, Adèle échappe au poison du Docteur Chou, qui transforme son prochain en bovin écervelé.

Mais elle n’est pas tirée d’affaire pour autant, puisqu’un autre danger la guette: des clones explosifs qui lui ressemblent comme deux gouttes d’eau et se font sauter aux côtés de pontes du gouvernement pour lui faire porter le chapeau !

Notre avis en un mot (puis quelques autres): FIASCO

Trop de blancs secs tue la Blanc-Sec. Tardi a juré qu’il ne ferait pas un tome de plus, pour preuve, il l’a tuée, son héroïne.

Dans un album crevé par tant d’auto-références, l’auteur passe toujours pour un inventeur… complètement fou. Une aventure qui n’a pas grand-chose à raconter.

Un fiasco.

8Grott & Brott (T.1)

Le résumé de l’éditeur

Grott et Brott sont deux petits malfrats intergalactiques en cavale. Pour échapper à la police Kroutonienne qui leur colle aux orteils, ils n’ont rien trouvé de mieux que de se planquer sur Terre et se faire passer pour des petits épiciers de quartier.

Soyez gentils avec vos épiciers de quartier, car ils pourraient bien eux aussi être des aliens fugitifs…

Notre avis en un mot (puis quelques autres): ODORANT

Janry s’associe à Gihef pour scénariser les aventures de deux lascars de l’espace, venus se réfugier incognito sur Terre et y tenir une épicerie.

C’est volontiers odorant voire sous la ceinture, pas toujours très fin, mais ça recèle aussi quelques fulgurances.

9Intégrale Ringo

Le résumé de l’éditeur

Convoyeur de fonds pour la Wells Fargo au beau milieu d’un territoire sans foi et à la loi balbutiante, Ray Ringo ne peut compter que sur sa fine gâchette.

Pourtant entre les flèches des Apaches, les crocs des coyotes, les balles des malandrins ou les feux croisés du Nord et du Sud, ce ne sont pas les façons de mourir qui manquent, dans le Far-West…

Et entreprendre cette chevauchée en compagnie de Ringo, c’est remonter une seconde piste tout aussi palpitante: l’évolution graphique de William Vance à travers une décennie !

Notre avis en un mot (puis quelques autres): PISTOLERO

Les fans de William Vance et de la BD old school se délecteront de cette intégrale des aventures de Ray Ringo, pistolero créé avec Duchâteau au milieu des années 60.

Le format proposé permet de percevoir l’évolution de Vance. Et de repérer l’influence des westerns spaghetti.

10Le labeur du diable (T.1/2)

Le résumé de l’éditeur

Los Angeles. Webster Fehler, 40 ans, souffre du mal existentiel qui touche la majorité de la population angeleno: la dépression. Son quotidien ne se définit qu’à travers l’isolement et la frustration. Webster n’a personne à aimer, ni à qui parler. Il subit le poids d’une existence au rabais dans un cabinet d’avocats où il n’essuie que mépris et reproches.

Jusqu’au jour où le destin intervient d’une façon sournoise: Webster trouve une sacoche égarée qui renferme un badge de policier et une arme chargée. Cette découverte va provoquer le réveil d’une part d’ombre dont il sera à la merci. Webster sent naître en lui un sentiment grisant de toute-puissance.

Par-delà le bien et le mal, il va sortir de sa chrysalide, dominer et prendre sa revanche. En usurpant une identité de policier, Webster ira s’aventurer au-delà des frontières interdites de Los Angeles pour se complaire dans l’immoralité. Ses exactions vont mettre la ville à feu et à sang. Personne ne sera à l’abri de ses actes…

Notre avis en un mot (puis quelques autres): GLAUQUE

Dans cette nouvelle série crue et violente, Beddiar lance son héros dans une descente aux enfers dans un Los Angeles glauque. Et le parallélisme avec le mythique Travis Bickle, anti-héros de Taxi Driver, est évident.

Les amateurs du genre et autre public averti apprécieront.

11Prison

Le résumé de l’éditeur

Guy partage sa cellule avec Vic, un héroïnomane, et Hassan, un SDF cambrioleur de bas étage à la santé précaire. Cela fait quelques jours que ce dernier se tord de douleurs dans son lit. Malgré ses demandes de soins répétées, l’administration pénitentiaire fait preuve d’une indifférence coupable. Malheureusement, la situation d’Hassan n’est pas une exception.

Derrière les portes d’acier vit aussi Toufik, un détenu psychotique oppressé par cet environnement pathogène, et Audrey, une surveillante tombée tristement amoureuse d’un détenu. Les quatre contes cruels de Prison dressent le portrait d’un écosystème opaque et inhumain, où privation de liberté rime avec violence, privation de soin, de silence, de vie sexuelle et d’amour.

Avec, au final, un constat sans appel: la détention ne réinsère pas. Elle sanctionne, elle brime, elle humilie, elle favorise le suicide et la récidive. La prison, cette Ogresse, ne protège personne. Elle les déshumanise.

Entre documentaire et roman noir, Prison brosse un portrait au vitriol d’un univers carcéral au-delà de tout cliché.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): CARCÉRAL

Prison, plus qu’un titre, une sentence dont sont victimes les différents protagonistes de cette succession de contes cruels mais puant le réel.

Nul doute que tout ce qui est raconté s’est réellement produit: amours impossibles, représailles entre détenus mais aussi entraide, mythe de la réinsertion et réalité de la désinsertion, privilèges ou acharnement, survie ou mort certaine.

Peine et double-peine. Rinaudot, Royant et Dorange réussissent un album graphiquement très inspiré sur la noirceur carcérale et le peu d’espoir qu’elle laisse. Jusqu’à une dernière page qui nous fait fondre en larmes.

Parce que ce n’est pas un monde parallèle, c’est le nôtre mais en pire, qu’il appartient au reste de la société de connaître.

12Anca et Pepik (T.1)

Le résumé de l’éditeur

S’il y a un mystère dans la petite ville d’Oreille-sous-Ris, Anca et Pepik feront de leur mieux pour le résoudre ! Dans les quatorze histoires composant ce livre, nos courageuses souris détectives seront confrontées à un terrible prisonnier évadé, à un hypnotiseur filou, à une bande de voleurs d’art et à mille autres dangers…

Bienvenue dans Anca et Pepik: LE grand classique de la littérature jeunesse tchèque, créé par Lucie Lomova, et qui enchante les petits et grands enfants depuis trente ans !

Notre avis en un mot (puis quelques autres): TCHÈQUE

Inconnus jusqu’ici en français, Anča & Pepík, les souris de Lucie Lomova sont devenues des classiques de la culture tchèque. Près de 35 ans après leur création, ces enfants qui n’ont peur de rien, surtout pas de découvrir un monde fait de mystères, trouvent une seconde jeunesse dans la fraîche collection Les Ondines de Dupuis.

12 courtes histoires composent ce recueil, partant dans tous les sens, opposant la poésie de l’enfance aux comportements pas très catholiques des adultes, appâtés par l’odeur non pas du fromage mais de l’argent facile, même criminel.

L’éditeur nous dit que ça se lit dès 5 ans, certainement pas, plutôt 7-8 ans et avec un encadrement des parents car quelques scènes armées peuvent heurter la sensibilité.

Au-delà de ça, il y a là de quoi passer de bons moments, divertissants, en famille, emportés par un dessin et des couleurs emballants.

13La vérité nue (T.2)

Le résumé de l’éditeur

De l’art de réussir un barbecue au secret caché de la randonnée, en passant par le choix épineux de la sauce dans un kebab, la détection d’un adulte précoce, l’envie de déconstruire la société, la véritable mission d’un coach de vie ou encore les abus de pouvoir de la police des maths, ce 2e volume délivre 100 nouveaux moments où la vérité finit par être révélée pour démasquer les faux-semblants.

Notre avis en un mot (puis quelques autres): CORROSIF

Délicieusement absurde et astucieusement corrosif. Dans ce deuxième opus, James nous offre à nouveau une centaine de vérités, de manies et autres de nos turpitudes qu’il dénude en l’espace de quatre cases maximum.

Cet enchaînement de gags fait bien sûr sourire, mais il révèle également de temps à autre une approche de notre quotidien à travers le prisme de la banale ignominie qui parfois nous entoure et à laquelle il nous arrive de succomber.

En d’autres termes, les personnages aux têtes d’animaux de James nous encouragent, par moments, à la réflexion ; tandis qu’à d’autres, on se poile et point barre. Et on attend désormais la suite.

14Après-Guerre

Le résumé de l’éditeur

Mai 1947. Au petit village de La Goffe comme ailleurs, la vie reprend progressivement ses droits, au beau milieu d’un monde en pleine recomposition. Mais ce nouveau visage peine à cacher les cicatrices de la guerre. Thomas, pour sa part, n’a jamais oublié Assunta.

Aussi, lorsqu’il apprend qu’elle est emprisonnée dans un camp soviétique, il se lance à corps perdu dans le marché noir pour organiser son exfiltration. Mais revient-on jamais des camps de prisonniers… ?

Notre avis en un mot (puis quelques autres): RICHE

Dans cette intégrale réunissant les deux tomes originels, Warnauts et Raives nous plongent dans les prémices de la Guerre froide.

De Bruxelles à Berlin en passant par Liège et Paris, le chemin emprunté par Thomas et Louise pour retrouver Assunta, déportée dans un camp de travail soviétique, est superbement illustré, mais il s’égare de temps à autre dans une somme de détails et autres références qui viennent alourdir un scénario qui n’en avait pas forcément besoin pour démontrer toute l’étendue de sa qualité.

Le volume est ainsi dense et aurait sans doute mérité une saga, afin d’en diluer la richesse dans un narratif plus étalé ; on aurait alors frôlé la perfection.

Ce "One Shot" reste néanmoins un fort bel ouvrage et offre une passionnante plongée bédéphile dans cette période complexe des premières années de l’après-guerre, que maîtrisent manifestement les deux auteurs.

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