« Pour soulager l’anxiété, il faut donner aux jeunes la possibilité d’agir »
Le sondage du Journal des Enfants montre qu’un jeune sur trois est anxieux pour son futur. Quand elle est pathologique, l’anxiété peut mener au suicide. Alexandre Heeren donne des solutions.
Publié le 01-12-2022 à 07h00
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Un jeune sur trois est inquiet pour son futur, selon le sondage. 33% des 7-13 ans se disent un peu ou très inquiet pour leur futur. Chez les 14-17 ans, 31% sont un peu inquiets et 13% très fort. À la question ouverte "qu’est-ce qui vous inquiète ? ", le climat est une inquiétude pour un quart des jeunes (20% des 7-11 ans et 28% des plus de 12 ans). La guerre, autre sujet d’inquiétude pour 11% des jeunes, surtout les 7-9 ans (14%). Avec la pauvreté (7%) et le pouvoir d’achat (5%), 12% des motifs d’inquiétude sont liés au niveau de vie.
Alexandre Heeren, professeur en psychologie à l’UCLouvain et chercheur FNRS travaille notamment sur l’éco-anxiété. "Être inquiet ou anxieux n’est pas forcément une mauvaise chose, dit-il. Mais l’OMS distingue l’anxiété clinique, pathologique, qui fait qu’on se met à pleurer et qu’on n’arrive plus à se concentrer. On peut être très anxieux sans que ça soit un trouble."
L’anxiété, pas toujours mauvaise
Le Pr Heeren explique que l’anxiété est quelque chose d’adaptatif, "elle sert à nous faire réagir et nous adapter aux modifications de l’environnement. Elle peut être mobilisatrice: c’est en partie le stress qui pousse l’étudiant à travailler pour ses examens…" Le sondage du JDE ne dit pas quel est le type d’anxiété qui touche les enfants. Mais une étude parue récemment dans The Lancet montre que chez les jeunes adultes de 16-25 ans, l’anxiété peut devenir pathologique. "Sur 10 000 jeunes, 59% se disent extrêmement anxieux sur les changements climatiques, s’en inquiétant tous les jours. Pour 40% d’entre eux, cela provoque des troubles fonctionnels. Et selon cette étude, 75% ont une vision apocalyptique du futur. Et surtout, 83% d’entre eux pensent que les adultes – leurs parents, les hommes politiques – sont coupables de n’avoir rien fait."
Le sondage du JDE va un peu dans ce sens: 84% des enfants de 7-9 ans trouvent que les adultes font tout ce qu’il faut pour que le futur soit le plus beau possible, mais le pourcentage baisse à 46% chez les 14-17 ans. "C’est important, il ne faut pas qu’il y ait un conflit intergénérationnel. Il faut créer du dialogue, s’intéresser aux enfants et aux jeunes, les consulter davantage au niveau politique, leur donner une représentativité et les prendre en considération."
Important d’agir
L’anxiété pousse à agir. "Les comportementalistes appellent ça “fight or flight”, se battre ou fuir. L’action régule l’anxiété. À hauteur d’enfant, il est déjà possible d’agir: on voit des enfants qui prennent des actions concrètes, comme semer des arbres, par exemple. Mais s’il n’y a pas d’action, l’anxiété peut devenir pathologique. On peut tomber dans la dépression, se dire “Je suis nul”. Et l’adulte tombe aussi dans l’addiction."
Et pour ce qui est de la peur de la pauvreté, de la guerre, l’enfant peut aussi être outillé, selon Alexandre Heeren. "L’école peut lui apprendre à reconnaître et à gérer ses émotions. Il faut favoriser un climat de résilience, apprendre la coopération et l’entraide. C’est cela qui peut donner un sens à leur avenir, et les aider à trouver de l’espoir."
Pour le psychologue, il faut selon lui revoir les programmes, pouvoir aussi parler à l’école du climatique, de l’écologique, mais aussi des finances et l’économie. "Sur tout ça, le JDE fait du bon boulot… Mais il devrait être plus lu."