L’icône Halimi a aussi son album
L’avocate Gisèle Halimi, disparue en juillet 2020, avait déjà fait l’objet d’une biographie, aujourd’hui adaptée au format dessiné. Essentiel pour se souvenir de ses combats. Et de leur ardente actualité.
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- Publié le 30-11-2022 à 19h00
Le destin est parfois tristement farceur: après plus de sept décennies de combat pour les égalités (au pluriel), Gisèle Halimi décédait le 28 juillet 2020, à 93 ans… et à quelques semaines de la publication d’une biographie écrite avec la complicité de son amie journaliste Annick Cojean. "Elle a toutefois eu le temps d’en lire les épreuves, et j’étais heureuse de ça", souligne cette dernière.
La femme et l’amoureuse aussi
Une farouche liberté fut – et c’est un autre bonheur – un succès de librairie qui ne cesse de faire des petits. Une pièce de théâtre (avec Julie Gayet) en a été tirée et aujourd’hui, c’est un roman graphique, aussi adapté du bouquin, qui voit le jour. Avec toujours Annick Cojean aux manettes, aidée au scénario par Sophie Couturier (qui fut militante auprès de l’avocate) et au dessin par Sandrine Revel.
"Beaucoup d’adultes lisent des romans graphiques, c’est une bonne façon de toucher un public plus large ", estime Sophie Couturier. Annick Coljean assure, elle, qu’il autorise à aller plus loin dans l’intimité de l’icône: "On peut y parler plus de l’histoire de la femme, et de l‘amoureuse qu’elle fut aussi. Des choses qu’on n’avait pas eu le temps de vraiment aborder dans le premier livre."
De facture classique, voire sage, il donne à voir, bien sûr, les combats de Gisèle Halimi. Pour les femmes (le droit à l’avortement, la répression des viols), en faveur des militants pour l’indépendance (de l’Algérie, du Maroc), pour une stricte égalité des sexes, etc. Des engagements qui, on le constate, s’expliquent d’abord par une petite enfance durant laquelle la petite Gisèle a vite compris dans quelle pièce on l’invitait à jouer. "Elle a saisi qu’elle devrait se révolter contre l’ordre établi… car il n’était pas juste: elle était fille, pauvre, colonisée et juive, ça faisait beaucoup et ça la plaçait dans le camp des opprimés. Ça explique pourquoi elle a si souvent pris fait et cause pour les “persécutés”", analyse encore Annick Cojean.

Dans un monde qui semble en avoir déjà marre de la révolution en train de se jouer, ces 144 pages publiées – fameux symbole – tout près de la date du 50e anniversaire du fameux "procès de Bobigny" permettent aussi de mieux comprendre la nature du féminisme de Gisèle Halimi: "Elle défendait, dit Sylvie Couturier, un féminisme égalitaire, qui ne dressait pas les uns contre les autres, mais incluait les hommes." Rien, pourtant, n’est encore gagné, même si notre trio d’autrices voit des motifs d’espoir: "C’est peut-être… dans les cours de récré que c’est en train de se jouer, espère Annick Cojean. Bien sûr, ce changement de mentalité doit se traduire dans des lois – en incluant par exemple le droit à l’avortement dans la Constitution – mais peut-être que le changement qu’elle appelait de tous ses vœux est en train de se produire chez les plus jeunes. "
Cojean/Couturier/Revel, Steinkis, 144 p., 22 €.