Tolérance zéro: la magistrature n’en veut pas
Une politique de " tolérance zéro " à l’égard des violences contre la police n’aurait pas empêché le meurtre du policier le 10 novembre, estime l’ASM, l’association qui représente les magistrats.
Publié le 28-11-2022 à 13h24 - Mis à jour le 28-11-2022 à 17h48
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L’attaque terroriste à l’égard de deux policiers le 10 novembre dernier a directement généré la colère des policiers et des syndicats. La mort du policier Thomas Monjoie a suscité énormément d’émotion au sein de la profession. Par moments, c’est la magistrature qui a été pointée par la police pour son inefficacité dans le dossier. On lui reproche de ne pas avoir privé de liberté Yassine M., auteur présumé de cette attaque, alors qu’il s’était présenté au commissariat le matin même. Ce lundi 28 novembre, les policiers ont manifesté massivement dans les rues de Bruxelles afin de réclamer plus de respect pour l’uniforme et des moyens supplémentaires.
Sophie Messiaen, vous êtes la présidente de l’ASM, l’Association Syndicale des Magistrats, avez-vous l’impression que c’est le procès de votre profession qui est en cours depuis l’attaque du 10 novembre ?
Dans les jours qui ont suivi l’attaque, on a été effrayé d’entendre certains propos. On a tout de suite considéré que la magistrature avait fait une erreur. S’il y a erreur, elle doit être sanctionnée car l’idée n’est pas de minimiser.
Ce qui me choque, c’est la façon dont le monde réagit dans l’émotion.
Notamment avec la proposition du MR et de Georges-Louis Bouchez de mettre en place un organe parlementaire de contrôle de la magistrature, un "Comité J".
On est outré par les réactions du monde politique. Et notamment par celle du président du MR qui veut davantage contrôler la magistrature.
On ne voit pas ce que la magistrature aurait pu faire d’autre à part libérer cet homme. Si on avait pu l’arrêter administrativement, il aurait été libéré 24 h plus tard.
L’homme était pourtant fiché sur la liste OCAM, ce n’était pas suffisant pour le priver de liberté vu ses déclarations et sa volonté d’attaquer des policiers ?
Il a fallu un mort pour se rendre compte que les soins de santé mentale en Belgique sont catastrophiques.
Les hôpitaux ne sont pas équipés pour s’occuper de personnes dangereuses et, en prison, on n’a pas de soins de santé mentale de base.
Les policiers réclament la « tolérance zéro » à l’égard des violences faites aux policiers, quel en sera l’impact ?
Il ne faut pas faire croire qu’avec plus de répression, on aurait pu éviter cela. (NDLR: l’attaque du 10 novembre). Les actes de violence à l’égard de la police sont intolérables. Mais le parquet a toujours eu l’opportunité des poursuites. On est dans un pays où on juge les gens sur leurs caractéristiques individuelles. Avec la "tolérance zéro", on ne prend pas en compte les circonstances atténuantes. Le métier de policier ne deviendra pas moins dangereux parce qu’on applique une politique de "tolérance zéro". C’est sur l’éducation qu’il faut travailler.
Si on applique la tolérance zéro dans un sens, il faut aussi une politique de tolérance zéro pour les agressions des policiers. Et là, on n’a aucune statistique.
La réalité, c’est que, lorsque quelqu’un veut se plaindre de violences policières à son encontre, la police va rétorquer par des faits de rébellion ou d’outrage. Et ces personnes seront poursuivies pour cela.
Le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ) a ouvert une enquête. Que faut-il en attendre ?
L’enquête ne porte pas au niveau individuel. Elle a pour but d’éviter de nouveaux dysfonctionnements à l’avenir. Si l’enquête démontre qu’il y a eu une bourde, alors il pourrait y avoir une sanction disciplinaire. Mais, pour rappel, quatre magistrats dont le parquet fédéral ont été appelés et il n’y avait pas de base légale pour arrêter ce monsieur.