Jamais (T.2) - Mamy Madeleine fait toujours de la résistance
Bruno Duhamel offre une suite pas vraiment prévue à sa fable écolo, dans laquelle une mamie de 91 ans refuse obstinément de quitter sa maison, pourtant menacée d’effondrement. Le petit, pas le grand.
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- Publié le 03-11-2022 à 07h00
Dans le premier volet de Jamais, une histoire complète parue début 2018, Bruno Duhamel mettait en scène une mamie aveugle qui refusait de quitter sa maison située sur la Côté d’Albâtre – et menacée d’effondrement par l’érosion des côtes – pour mieux nous parler changement climatique, avec humour et tendresse.
Pas loin de cinq ans plus tard, il "recycle" la brave Madeleine, toujours perchée sur son bout de falaise, dans une suite inattendue. "Sauf que cette fois, le possible effondrement de sa maison menace d’autres qu’elle ; et ça, Madeleine ne le supporte pas ", précise l’auteur français avant d’expliquer les raisons qui l’ont poussé à donner une suite à ce qui devait qu’un one-shot: "Déjà, je m’étais attaché au personnage. Et puis, quand j’ai évoqué l’idée, mon éditeur comme les lecteurs m’ont dit que c’était impossible, au regard de la conclusion du tome 1. C’est donc devenu un challenge… et il se trouve que j’adore ça."
Duhamel, qui a grandi dans la région et mène une intéressante carrière d’auteur complet chez Grand Angle ( #nouveaucontact, Fausses pistes, Le retour), le relève avec brio, inversant intelligemment les éléments du premier volet: la Madeleine d’alors ne voulait absolument pas quitter le domicile où elle vécut longtemps avec son Jules (c’est le vrai prénom de son mari), quand celle d’aujourd’hui s’y retrouve coincée et avec la furieuse envie d’en sortir, quitte à tout faire sauter. De la même façon, le maire, qui jouait le mauvais rôle – amplifié par les réseaux sociaux – dans le tome 1, apparaît ici sous un jour plus favorable.
Un troisième volet ? Et pourquoi pas ?
Moins allégorique, cette suite nous parle plus concrètement de la société d’aujourd’hui, et notamment de ses bas instincts racistes et xénophobes. Avec, toujours, une dérision et un recul qui sont aussi la marque de fabrique de Bruno Duhamel, dont le dessin très rond tranche parfois avec le sérieux des sujets abordés. Un mélange hétéroclite qu’il assume: "Larcenet (NDLR: Le combat ordinaire) a prouvé qu’on peut raconter des choses très sérieuses avec des gros nez. Ce n’est pas gênant, et ça permet même plus de liberté qu’avec un dessin ‘‘sérieux’’, qui va enfoncer le clou d’un certain dogmatisme. ".
Reste à savoir, maintenant, si un troisième épisode verra le jour: "Le fil devient ténu, et il faudrait que je sois moi-même convaincu par l’histoire, sans quoi j’abandonnerais en cours de route."

Grand Angle, 64 p., 16.90 €.