« Une romance anglaise »: la vérité, mais pas que la vérité
Jean-Luc Fromental romance la sulfureuse « affaire Profumo » dans un one-shot dessiné par son ami Miles Hyman.
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- Publié le 20-10-2022 à 07h00
On n’a donc pas encore tout dit de l’affaire Profumo. Les faits, pourtant, remontent à 1963. Ce qu’on pourrait qualifier d’une "banale histoire de fesses" avait conduit à la démission de John Profumo, alors secrétaire d’État à la Guerre au sein du gouvernement du Royaume-Uni, et coupable d’avoir entretenu une liaison avec Christine Keeler, un mannequin de 19 ans… aux accointances plus ou moins avérées avec l’URSS.
Cette affaire remonte à la surface, aujourd’hui, avec la publication d’ Une romance anglaise. Un album assez classieux que l’on doit au duo formé par l’illustrateur américain (mais installé en France) Miles Hyman et au scénariste Jean-Luc Fromental, un rescapé du grand Métal Hurlant (dont il fut rédacteur en chef) et un touche-à-tout de génie qui a notamment brillé dans le secteur de l’audiovisuel.

"Moi aussi, confesse le jeune septuagénaire, je pensais que cette histoire était oubliée de tous. Mais j’ai constaté qu’en Angleterre, elle ressort tous les dix ans, avec des bouquins venus livrer, enfin, la ‘‘vraie vérité’’ sur l’affaire Profumo. Alors que dans les faits, cette vérité est désormais impossible à établir."
Fromental s’y essaie donc en lui enjoignant une part de fiction. Ce qui explique qu’il ait choisi, pour narrateur, Stephen Ward. Cet "osthéopathe des stars", peintre (médiocre) à ses heures perdues, et prêt à tout pour entrer dans le cercle très fermé de la "gentry" anglaise, était le pygmalion de Christine Keeler. Et celui qui allait la présenter au ministre de la Guerre.
Il fut, avant son étrange disparition (un suicide aux barbituriques), le principal accusé d’un procès retentissant, où il joua les boucs émissaires parfaits. "L’avantage de Ward, soutient le scénariste c’est qu’il… est le seul qui n’a pas eu le temps vivre de cette affaire: Christine Keeler, par exemple, a écrit quatre bouquins. Même Profumo a sorti un livre d’excuses glaireux sur le sujet."
Pas Ward, qui, sous la plume de Fromental, ressemble un peu au gars qui s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, alors que la révolution sexuelle allait seulement se pointer, mais… trop tard pour le sauver du lynchage médiatique.
De quoi expliquer pourquoi cette "banale histoire de fesses" a autant marqué les esprits: "C’est ce que les Anglo-Saxons appellent ‘‘The Perfect Storm’’, car il y a tout, là-dedans: du sexe, de la politique, et de l’espionnage", conclut Jean-Luc Fromental.
« Une romance anglaise », Hyman/Fromental, Dupuis, 104 p., 23 €.