Jean Libon : « La réalité, c’est tout de même mieux qu’une série Netflix »
Aidé de son éternel comparse Yves Hinant, Jean Libon a remonté trois épisodes d’un « Tout ça (ne nous rendra pas le Congo) » vieux de plus de 15 ans, et en a fait un docu en noir et blanc meilleur que bien des thrillers policiers modernes.
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- Publié le 18-10-2022 à 08h00
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En Belgique plus encore qu’ailleurs, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Jean Libon et Yves Hinant, les "vieux" comparses de l’émission Strip-Tease puis de Tout ça (ne nous rendra pas le Congo), en apportent une nouvelle preuve ce mercredi avec la sortie, en salles, de Poulet Frites.
Un docu aux allures de thriller policier, dans lequel on suit le parcours cabossé d’un toxicomane bruxellois accusé d’un meurtre violent qu’il dit ne pas avoir commis… et qui n’aurait jamais vu le jour sans le covid: "On avait une commande de film, se souvient Jean Libon, mais avec le covid, on n’avait pas tourné grand-chose. On a donc proposé à notre producteur de repartir sur trois épisodes de Tout ça (ne nous rendra pas le Congo) des années 2000, qu’on pourrait remonter pour les transformer en un long-métrage. "
L’idée, finalement géniale, s’accompagne d’un "miracle ", comme le dit lui-même Jean Libon: "Dans ma carrière, j’ai tourné près de 1 000 sujets, assure le septuagénaire. Et la plupart du temps, les rushes ont été détruits. Mais pas là, puisqu’on est retombés, dans une salle de montage désaffectée, sur pas loin de 100 heures de tournage !"
Diffusé en 2007 sous le titre Le flic, le juge et l’assassin, cet épisode en trois parties devient donc, pour les besoins du cinéma, Poulet Frites. Et pour cause: la pièce à conviction principale est… une frite retrouvée dans l’estomac de la victime, tandis que le film constitue une plongée assez unique dans le quotidien "pas tellement différent d’aujourd’hui", de la police criminelle bruxelloise de l’époque, et de Jean-Michel Le Moine, le commissaire chargé de l’enquête. "On critique souvent la police, poursuit Jean Libon, mais ce sont aussi des gens qu’ils font ce qu’ils peuvent avec le peu qu’ils ont."
Anne Gruwez déjà de la « partie »
Avec son humanité et son sens de la répartie, Le Moine est, aux côtés d’une certaine Anne Gruwez (oui, oui, l’héroïne de Ni juge, ni soumise), le véritable héros de ce drôle de long-métrage en noir et blanc, quand l’original était en couleurs, "parce que pour moi, un film policier, c’est en noir et blanc".
Un petit bijou qui a déjà conquis la France, où il est sorti fin septembre. "Là-bas, quand ils entendent notre liberté de ton, y compris au sein des services de police, ils en restent babas !", se marre l’ami Libon, qui espère que les spectateurs belges répondront présents, eux aussi : "En fait, confie-t-il encore, ce projet est vieux de deux ans, pour moi. Mais on ne voulait pas le sortir quand il n’y avait personne dans les salles. "
Alain, l’accusé du film, n’a quant à lui pas souhaité revoir les images : "Il n’est pas en très bonne santé, nous apprend le réalisateur. C’est son choix, et je peux le comprendre : tel qu’on le voit dans le film, c’est vraiment un oiseau pour le chat".
Il y apparaît aussi à visage découvert, chose qui paraît totalement inenvisageable aujourd’hui, dans le monde de la communication maîtrisée – cadenassée – que nous connaissons tous. "Et il a eu raison d’accepter, car quand on filme une affaire comme celle-là, les différents protagonistes font davantage attention à leur comportement: c’est presque une garantie d’être jugé plus équitablement ", soutient le documentariste, parfois dérouté par le monde moderne: "Je suis surpris, c’est vrai, de voir certains militants refuser la tribune qu’on leur donne pour de mauvaises raisons, notamment la peur des réseaux sociaux. ".
En attendant, Jean Libon, qui sortira l’an prochain, toujours avec le concours d’Yves Hinant, un autre long-métrage cette fois estampillé Strip-Tease et composé de cinq sujets dont il termine actuellement le tournage, poursuit son bonhomme de chemin. Avec motivation et méthode.
Toujours certain, aussi, que le réel est souvent bien plus intéressant que pas mal de fictions : "La réalité, c’est tout de même mieux qu’une série Netflix, plaisante-t-il… à moitié. Prenez La Casa de Papel, que j’ai découvert avec ma fille : techniquement, c’est pas mal, mais ça tire toujours sur les mêmes ficelles."
« Poulet Frites », documentaire de Jean Libon & Yves Hinant. Durée : 1 h 40. Sortie le 19/10.