Fruits contaminés par les pesticides: faut-il s'inquiéter?
Le rapport de l'ONG Pesticide Action Network (PAN) dénonce la présence de pesticides dangereux pour la santé dans nos fruits automnaux. L'AFSCA et le toxicologue Alfred Bernard tempèrent.
- Publié le 28-09-2022 à 06h00
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Le nombre de pommes, poires et prunes "contaminées aux pesticides" a doublé entre 2011 et 2020. La Belgique serait même un des plus mauvais élèves puisque sur 71% des poires belges analysées, on retrouve des traces de pesticides. C’est ce qu’indique un nouveau rapport de l’ONG Pesticide Action Network (PAN) Europe qui cible les règles européennes en matière de pesticides.
L’étude menée par l’ONG se base sur 44 137 échantillons de fruits frais testés par les autorités gouvernementales de différents pays européens. Les pesticides examinés dans le cadre du rapport, identifiés officiellement comme "candidats à la substitution" ou "Cfs" sont, selon l’organisation, la catégorie de pesticides la plus dangereuse, liée à "un risque accru de cancer, de malformations congénitales, de maladies cardiaques et d’autres problèmes de santé invalidants".
Ne pas confondre présence de résidus et impact sur la santé
Selon le SPF Santé publique, il n’y a pas de raison de s’alarmer puisqu’il s’agit de résidus et que le faible taux de concentration est inoffensif pour la santé. "Ce rapport rapporte seulement la présence de résidus. Mais il ne rapporte pas s’il y a un dépassement de limites maximales de résidus par exemple ou s’il y a un risque pour la santé publique ", explique Maarten Trybou, chef du service Produits Phytopharmaceutiques au SPF Santé publique.
Selon l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), il est justement important de bien faire la distinction entre présence de résidus et dépassement de limites maximales en résidus (LMR). "Les LMR ne sont pas des limites toxicologiques et un dépassement de LMR ne signifie dès lors pas nécessairement – et même rarement – un risque pour la santé, mais est le signe de la mauvaise utilisation d’un pesticide. Les denrées qui ne respectent pas les LMR ne peuvent pas être mises sur le marché", informe Jean-Sébastien Walhin, directeur de la communication pour l’Afsca.
Nos poires belges « conformes »
Sur les contrôles effectués ces dernières années par l’Afsca, le taux de conformité des fruits, légumes et céréales sur le marché belge se situait autour de 98%. "Bien que le rapport du PAN mentionne la Belgique comme étant le pays avec le plus haut taux de résidus de substances Cfs sur la période 2011-2020, les résultats 2011-2020 de l’Afsca montrent qu’il n’y a pas de non-conformités aux LMR pour les résidus de Cfs détectés sur les poires ", ajoute Jean-Sébastien Walhin.
Pour Alfred Bernard, professeur émérite au sein de l’Institut de recherche expérimentale et clinique de l’UCLouvain, il ne sert à rien de faire peur au grand public. "Les gens doivent continuer à consommer des fruits et des légumes parce qu’ils ont d’importants effets protecteurs contre les risques de cancer et de maladies cardiovasculaires. Si vous consommez plus de 7 fois par jour des fruits et des légumes, par exemple, vous réduisez pratiquement de 30% les risques de développer ces maladies, et ce malgré la présence de pesticides. C’est l’état de la science actuellement. "
Cependant, même si le risque lié à l’exposition aux pesticides est limité, on peut penser à l’effet cocktail (lorsque les résidus de pesticides sont cumulés dans l’alimentation). L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) s’est récemment intéressée au risque cumulé d’une exposition combinée de pesticides sur la thyroïde et le système nerveux, mais l’évaluation de ces risques n’en est qu’à une phase pilote et les recherches doivent s’intensifier dans les années à venir.