Une photo de 43 jeunes qui se sont donné la mort: «Nous voulons casser la dynamique du suicide»
Ils exposent ce week-end un panneau, 43 photos de jeunes qui se sont suicidés. Les parents de Lucie veulent contribuer à la prévention du suicide.
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- Publié le 10-09-2022 à 07h00
- Mis à jour le 13-09-2022 à 08h35
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Lucie aurait eu treize ans ce samedi 10 septembre. Elle s’est suicidée le 18 novembre 2021. « On s’est rendu compte par hasard que la journée d’anniversaire de Lucie tombait le jour de la prévention du suicide », dit son papa. « Ça nous a sauté aux yeux, dit sa maman. On ne s’en était jamais aperçu, alors que les tentatives de suicide explosent chez les jeunes et que le suicide est la première cause de décès chez les jeunes. Cela reste méconnu. »
Avant, quand ils entendaient parler d’un suicide, les parents de Lucie présumaient qu’il y avait des problèmes familiaux. "Quand on parlait de dépression, on avait l’image d’une personne apathique… Mais cela ne se passe pas comme ça chez les jeunes."
Depuis 9 mois, Jean-Louis et Nadège cherchent à comprendre. Ils lisent beaucoup sur la psychologie, la spiritualité. Ils ont rejoint un groupe de parents endeuillés, Parents désenfantés, ainsi qu’un groupe sur Facebook, PHARE, où ils ont rencontré des familles sans histoire, comme la leur.
La prévention: urgence de santé publique
"Il y a 20 ans, les accidents de la route tuaient les jeunes à peu près autant que les suicides, dit Jean-Louis. Puis, il y a eu de la prévention: on a apporté des solutions sur les routes problématiques, et le nombre d’accidents a baissé."
Les parents endeuillés veulent contribuer à la prévention, à leur niveau, pas en déployant les habituelles statistiques des associations, mais en mettant des noms et des visages, pour transformer le concept abstrait du suicide en quelque chose de plus palpable.
"On a pris beaucoup de précautions pour parler de notre projet aux autres parents, explique Nadège. On avait peur qu’ils nous trouvent indécents… "
Mais les parents les suivent et envoient des photos de leurs enfants. Le panneau, prévu en format A3, est devenu un A0, beaucoup plus grand. Leur panneau sera exposé le temps d’un week-end dans une grotte mariale près de Marche-les-Dames, un coin où ils se baladaient en famille et où ils aiment désormais se recueillir.
"Nous refusons des photos pour le panneau aujourd’hui, mais si les parents sont d’accord, nous les diffuserons dans un diaporama sur Facebook, avec le nom, l’âge de l’enfant et une phrase de sensibilisation", dit Jean-Louis.
Sur les photos prises peu de temps avant leur suicide, les enfants de 11 à 32 ans sont souriants. Le malheur qu’ils cachaient, et qu’ils ont cherché à solutionner par la mort, s’est répandu autour d’eux. « C’est comme quand on souffle sur un pissenlit, dit Nadège. Le suicide crée une onde de choc qui touche les proches. Et il n’est pas rare que l’un d’eux se donne lui aussi la mort. Il faut casser cette dynamique et parler. »
C’est pour cela que samedi, les amies de Lucie seront à la maison. "Je vais préparer un gâteau, et elles échangeront des cadeaux entre elles."Le couple sait que le moment sera difficile. "Quand les amies sont venues, individuellement, à la maison, avec le poids de leur tristesse, on les a vues repartir plus légères, après quelques heures. Et les voir aller mieux, cela nous fait du bien", reconnaît Jean-Louis.
L’école, sur conseil du PMS, a coupé court à ses projets de commémoration après le suicide de Lucie, sans doute par crainte d’un effet boule de neige. Mais pour les jeunes, c’est difficile de ne plus en parler. « On a retrouvé, dans le livre d’or, le témoignage anonyme d’un jeune de 5eannée qui ne la connaissait pas et disait comprendre son geste et envisager de passer à l’acte. »Trouver quoi dire, et comment le dire… la prévention du suicide chez les jeunes est une question cruciale pour tous.