Procès des attentats de paris: « Les peines ne seront jamais à la hauteur de la douleur »
Une page se tourne pour les deux principales associations de victimes des attentats de Paris (13onze15 et life for Paris). LifeforParis a d’ailleurs programmé sa dissolution.
Publié le 02-07-2022 à 06h00
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Ce sont des figures marquantes et symboliques de ce procès: Philippe Duperron et Arthur Dénouveaux.Ils ont porté la voix de centaines de victimes au travers des associations dont ils assument la présidence.Toujours disponibles, jamais vindicatifs, attentifs à la douleur des autres alors que, dans le cas de Philippe Duperron, il a perdu son fils au Bataclan: les présidents des associations 13onze15 et de Life for Paris ont entamé un nouveau chemin au soir de ce 29 juin 2022, après que le président ait communiqué son verdict.
Philippe Duperron n’analyse pas les peines de manière individuelle.C’est plutôt la perspective d’ensemble qui le conforte dans son idée que la justice a été juste. "Les peines ne seront jamais à la hauteur de la douleur des parents qui ont perdu un proche, un compagnon; ou de ceux qui ont perdu le sommeil à jamais.La sanction pénale est la réponse qu’oppose la société à des personnes qui ont troublé l’ordre public.Ce qui est important, c’est que les parties civiles entendent la culpabilité des auteurs.La réponse ‘coupable’ est importante."
«Décision courageuse»
Pour Arthur Dénouveaux (Life for Paris), "le verdict est intelligent car il y a une individualisation de la peine.Il y a une décision courageuse de laisser certains libres.Reste la question de la peine incompressible pour Salah Abdeslam… "
Dans son réquisitoire, le parquet avait été très sévère quant aux peines attendues.Salah Abdeslam et Mohamed Abrini sont lourdement sanctionnés au regard des autres peines prononcées.La cour s’est peut-être reposée sur l’attitude générale des parties civiles qui ont fait preuve de beaucoup d’humanité et qui n’ont jamais réclamé l’application de la loi du Tallion. "Tout le monde a participé à la dignité de ce procès où chacun a respecté l’autre ." Une clé de ce procès pour Arthur Dénouveaux, c’est la gestion du président et la manière dont les avocats de la défense ont appréhendé ce procès." Je ne m’attendais pas à ce que les accusés parlent et ils ont parlé.Je pensais que l’intérêt médiatique serait au début et pas jusqu’à la fin.Aucun procès d’intention n’a été confirmé.On a eu de la chance que l’État mette autant de moyens dans ce procès.Pour moi, il y a deux raisons à ce succès: la cour et les avocats de la défense.Si les avocats avaient décidé de faire une guérilla et de créer une rupture, c’est pas le même procès ."
Une inquiétude, une incertitude, planait sur l’après procès.Au cours de ces 10 mois de procédure, on y a vécu des moments parfois proches d’une "colonie de vacances" où tout le monde s’y retrouvait, partageait, vivait ce moment dans la gravité des faits et la légèreté des rencontres.
Face aux grilles du palais de justice, il y avait cette grande brasserie "les Deux palais" où avocats (défense et parties civiles), victimes, journalistes se retrouvaient joyeusement.Ce mercredi soir, deux des trois avocats généraux et même les trois accusés comparaissant libres ont même rejoint ce QG où se bouclait ce long procès. Dans ces conditions, comment tourner la page? "Je crois que j’ai suivi 90% des audiences, complète Philippe Duperron. Personnellement, je ne vais pas sentir ce coup de blues. Certains ont été là à 100% ou suivaient le procès tous les jours sur la web radio.Oui, il y a des gens qui vont se retrouver dans le désarroi. "
Life for Paris: dissolution planifiée
De son côté, Life for Paris a annoncé et planifié la dissolution de son association d’ici 2025, soit 10 ans après les attentats.Dans son communiqué, Life for Paris expliquait ne mettre qu’un "point final à la partie institutionnelle pour mieux continuer à vivre nos amitiés, nos partages, nos événements.Mais aussi pour revenir, de notre plein gré, à une certaine forme de normalité, loin de l’œil public."
De son côté, 13onze15 va continuer à encadrer les victimes sur des cas bien précis. " Il y a encore quelques dossiers ouverts.Quand le FGTI (Fonds de garantie des victimes) communique que la majorité des dossiers est réglée, il a raison.Mais il y a aussi des victimes qui ont mis de côté le volet indemnisation parce que le procès était leur préoccupation ."
Au cours de ce procès, près de 400 parties civiles ont pu être entendues.Mais tous les états d’âme ont-ils pu être entendus?Ce n’est pas évident tant ces témoignages étaient éclatés sur la forme mais relativement homogènes sur la forme.Cette humanité globale face à de telles souffrances a permis au procès d’être une réussite.Mais il restera inévitablement une série de victimes qui n’ont pas eu la force de témoigner, d’exprimer un ressenti allant à l’encontre des messages entendus à la barre de ce procès.L’opportunité s’est pourtant offerte à chacun d’entre eux. C’est un message à retenir pour le procès de Bruxelles: un maximum de victimes soit oser faire entendre sa voix.