Festivals: 2022, l’année de tous les dangers
Après deux années sans presque aucun festival, l’été 2022 devait être celui de la renaissance. Mais le secteur fait face à de nouveaux défis. Aura-t-il les reins assez solides pour les relever ?
Publié le 17-06-2022 à 08h00 - Mis à jour le 17-06-2022 à 09h31
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Suspendus deux années de suite en raison de la pandémie, les festivals d’été font leur grand retour.Mais la machine si bien huilée autrefois semble quelque peu enrayée: offre surgonflée, public indécis, charges qui explosent…Les festivals de l’été 2022 seront-ils vraiment ceux d’un retour à la fête ou paieront-ils longtemps cette pause forcée?Tentative de réponse avec Didier Gosset, porte-parole de la Fédération des festivals de musique Wallonie-Bruxelles , née justement durant la pandémie.
Didier Gosset, quel premier constat posez-vous à l’aube de cette saison 2022?
On constate d’abord une extension de la durée des festivals ou une multiplication des formules.Je pense par exemple à Dour qui se déroulera sur sept jours ou Tomorrowland qui passe de deux à trois week-ends. Les organisateurs de Werchter et Tomorrowland se sont aussi associés pour lancer un nouveau concept, CORE, à Bruxelles .Cette prolifération est notamment due à un embouteillage au niveau de la programmation.Les organisateurs ont tenté de reprogrammer un maximum d’artistes prévus en 2020 afin de contenter un public qui avait acheté ses places il y a deux ans mais aussi d’honorer leurs contrats.Puis, il y a tous les artistes qui ont sorti des albums durant ces deux années, qui ont un album récent à défendre sur scène.Établir une affiche a été un vrai casse-tête.
Trop de festivals tue les festivals?
Cette offre gigantesque va-t-elle trouver son public?
C’est la grande inconnue.On ne peut pas savoir comment va réagir le public.Une nouvelle donnée est venue contrarier les plans des organisateurs, c’est la crise économique liée à la guerre en Ukraine.Vu les dépenses énergétiques supplémentaires, notamment, les gens revoient leurs priorités.
Ressent-on déjà les effets de cette crise?
Les chiffres de fréquentation de cette année vont devoir être relativisés, notamment à cause de tous les festivaliers qui ont conservé leurs billets de 2020: le taux de remplissage est important mais les billets mis en vente cette année ne partent pas si vite que ça. On voit aussi déjà que certains organisateurs font marche arrière.C’est notamment le cas avec Werchter Encore, nouveau-né des organisateurs de Werchter.Faute d’un succès rapide, ils ont préféré annuler l’événement et gonfler l’affiche de TW Classic .
2022 peut-elle être considérée comme l’année de tous les dangers?
Selon moi, ce n’est pas cet été que l’on ressentira le plus les conséquences de la crise Covid et des deux années de report mais ces effets se feront inévitablement sentir dès l’année prochaine.D’autant qu’ils seront sans doute encore amplifiés avec la pénurie de main-d’œuvre, la crise économique et la hausse de prix dans tous les secteurs.
Certains sont-ils mieux armés que d’autres pour faire face?
On a l’impression que les machines gigantesques que sont Tomorrowland, Werchter, Pukkelpop, Graspop… sont les mieux armés parce qu’ils s’appuient sur des années d’expérience et qu’ils ont les reins peut-être un peu plus solides que les plus petites structures.Mais organiser un festival comme l’un de ceux-là coûte aussi énormément d’argent et l’augmentation des frais est, pour eux, encore plus impactante. À l’inverse, les festivals de niche, avec des concepts très marqués, pourront certainement tirer leur épingle du jeu.Ils limitent les coûts avec une affiche plus confidentielle ou axée sur de la découverte, donc moins onéreuse et fidélisent un public autour d’une philosophie.Et leur public possède en général un pouvoir d’achat un peu plus élevé.
Finalement, les festivals de taille moyenne vont-ils souffrir le plus?
Ce seront sans doute ceux qui auront le plus de difficultés l’année prochaine.On le constate déjà pour cette année avec le Durbuy Rock Festival qui a sauvé les meubles parce que sa tête d’affiche a annulé en dernière minute.Ça a été une dépense très importante en moins et du coup, ils ont pu faire face à une audience un peu plus faible qu’espéré.
Globalement, y a-t-il trop de festivals en Belgique?
C’est très compliqué d’avoir des chiffres exacts parce qu’il y a festival et festival.Si vous organisez une fête de village avec un podium, ça n’est pas un festival mais ça entre dans les statistiques.Notre fédération compte 47 membres pour 58 événements organisés.Notre équivalent flamand, 272 membres pour 335 événements.On peut donc extrapoler ces chiffres pour tendre vers environ 450 événements de type "festival" organisé en Belgique.C’est beaucoup mais il y a de la place pour tout le monde.
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