Supprimer les allocs des jeunes est inefficace
La suppression des allocations d’insertion sous le gouvernement Michel n’a pas produit les effets escomptés, conclut une vaste étude sur le sujet.
Publié le 16-06-2022 à 06h00 - Mis à jour le 16-06-2022 à 07h21
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Priver les jeunes d’une allocation d’insertion s’avère inefficace.Ce constat sans appel émane d’une vaste étude menée par des scientifiques de l’UCLouvain, de Saint-Louis et de l’UGent.Ces derniers ont évalué la réforme de 2015 du gouvernement Michel qui a donc supprimé cette allocation à la fois pour les jeunes de plus de 25 ans, et pour ceux de moins de 21 ans sans diplôme du secondaire.
Pour les autres, par contre, rien n’a changé. La plupart des jeunes qui ne trouvent pas d’emploi après leurs études ont toujours bien droit, après une période non indemnisée d’un an, à une allocation de chômage spécifique, appelée "allocation d’insertion".
L’objectif de cette réforme, actée en 2015, était d’inciter les jeunes à chercher davantage un emploi ou à ne pas quitter l’école prématurément. Le hic, à l’heure du bilan, c’est que le contrat est loin d’être rempli, estiment les scientifiques qui ont épluché les données administratives du Forem et du VDAB (NDLR: pendant flamand du Forem), entre autres.
Pas motivant
Le constat le plus amer concerne le groupe des jeunes sans diplôme de l’enseignement secondaire.En ce qui les concerne, c’est très clair, la réforme passe complètement à côté de son objectif. "Pour eux, la suppression de l’allocation n’a d’effet ni sur l’obtention d’un diplôme, ni sur les chances de trouver un emploi" , souligne Bruno Van der Linden, professeur à l’institut de recherche économique et sociale de l’UCLouvain.
Mais pourquoi? "En réalité, les incitations financières à chercher du travail ne sont pas efficaces et pertinentes pour tout le monde.Ce n’est pas parce qu’on est fortement incité à chercher et à accepter un emploi que cela donne nécessairement lieu à une sortie vers l’emploi. Car il faut encore que les offres arrivent, que notre profil ait été jugé adéquat pour ces offres, etc."
Quant à l’obtention du diplôme de secondaire, précieux sésame pour pouvoir bénéficier d’allocations d’insertion, les résultats ne sont guère plus concluants. "Ces jeunes, en particulier, ont des difficultés à se projeter dans l’avenir , poursuit Bruno Van der Linden. Certains procrastinent et ont tendance à remettre à demain l’effort nécessaire pour bénéficier d’un gain.Faire un choix d’études purement motivé par la menace que représente la réforme, ce n’est pas quelque chosed’évident."
Une dépendance vis-à-vis de la famille
Pour les (futurs) jeunes diplômés du supérieur, les effets de la réforme sont légèrement plus satisfaisants.Ces étudiants décrochent en effet plus rapidement un emploi du fait de cette mesure.Avec un sacré bémol, puisqu’il ne s’agit pas forcément d’emplois durables. "En Flandre par exemple, on constate qu’il s’agit beaucoup d’emplois intérimaires." La transition vers des jobs de courte durée a donc manifestement augmenté "mais il ne s’agit pas d’un strapontin vers une carrière".
Cette réforme ne présente finalement qu’un seul effet positif. Selon l’étude, la potentielle perte du droit aux allocations a incité certains jeunes du supérieur à achever leurs études plus tôt ou à ne pas les arrêter prématurément. "Mais ces effets ne concernent qu’un petit groupe d’étudiants de Master.On peut donc raisonnablement se demander si la suppression du droit aux allocations est vraiment le meilleur moyen d’améliorer les performances académiques de ces jeunes..."
D’autant qu’en contrepartie, cette suppression des allocations risque évidemment d’accroître la dépendance financière des jeunes vis-à-vis de leur famille et, plus interpellant encore, de plonger certains profils, plus isolés, dans la précarité, concluent les chercheurs.
Pour consulter l’étude dans le détail:www.regards-economiques.be