Procès des attentats: pas tous complices mais aucun n’est innocent
L’accusation ne lève pas le pied sur les charges pesant sur les accusés. Exemple avec Farid Kharkhach, un faussaire ayant fourni des pièces d’identité aux terroristes, est considéré comme faisant partie d’une association terroriste.
Publié le 09-06-2022 à 20h46 - Mis à jour le 09-06-2022 à 20h49
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Au deuxième jour du réquisitoire du ministère public, les avocats généraux ont pris le temps de détailler les implications des différents accusés. Celle de Farid Kharkhach est interpellante…
Pour quelques centaines d’euros malhonnêtement engrangés, Farid Kharkhach se retrouve dans le box des accusés du procès des attentats de Paris. Kharkhach, détenu depuis le 9 juin 2017, a servi d’intermédiaire pour fournir des fausses cartes d’identité belges à Khalid El Bakraoui. Ces documents ont ensuite été utilisés par les membres du commando et des logisticiens de la cellule terroriste. Une question clé: avait-il connaissance des intentions terroristes de son client? La démonstration en a été faite ce jeudi 9 juin par Nicolas Braconnay. Dans son réquisitoire, l’avocat général avait d’abord ouvert une porte. À la cour, l’accusation pose un choix: "vous devrez décider si vous le condamnez pour association de malfaiteurs terroristes (AMT) ou pour association malfaiteur de droit commun. " La porte s’ouvrait-elle vers une requalification des faits? Avec comme éventualité: la condamnation du Bruxellois à une peine moindre lui permettant d’entrevoir la sortie? Et derrière, bam, Braconnay claque la porte quelques instants sur les doigts de Kharkhach. Au terme de sa démonstration, il conclut que le faussaire "a apporté son concours en connaissance de cause. Cela ne change rien à la caractérisation d’AMT. " Selon l’accusation, Kharkhach ne pouvait ignorer la " mauvaise réputation " de Khalid El Bakraoui. Ce dernier a participé à la mise en œuvre des attentats de Paris et se fera exposer le 22 mars 2016 à Bruxelles. Pour l’avocat général, El Bakraoui était connu pour ses côtés "criminel, violent, sociopathe et quelqu’un qui fait peur. " Les deux mis en cause fréquentaient un même café où l’accusation suppose qu’El Bakraoui, radicalisé jusque dans le dernier recoin de son âme, faisait état de ses convictions "et les exprimaient librement." L’accusation lève le pied mais le tacle au niveau du genou: " nul ne prétend qu’il a agi par idéologie ou complaisance. " Et derrière cela, la sentence tombe: " Il a agi par lâcheté et cupidité pour un gain immédiat de quelques centaines d’euros." Pour l’accusation, le petit malfrat savait à qui il avait affaire.
Nicolas Braconnay avait mis en garde dès le début de son réquisitoire: " Nous récusons fermement l’expression de ‘second couteau’. " Mohamed Bakkali, un logisticien, est exclu de cette catégorie, précise l’avocat général. " Ils ne sont pas tous des djihadistes mais tous ceux que vous aurez à juger ont accepté d’apporter leur concours à un groupement terroriste que ce soit par complaisance, par lâcheté ou pour l’appât du gain. Il n’y a aucune confusion entre les niveaux de responsabilité. " Et de réclamer de " la lucidité " par rapport à l’aide apportée par chacun des 14 accusés.
Ayari et Krayem prévus pour un attentat à Schipol
La lucidité de Nicolas Le Bris, avocat général, c’est de voir en Sofien Ayari et Osama Krayem des complices des attentats de Paris. Dans un schéma qui laissait sceptique plusieurs avocats de la défense et des parties civiles, il a démontré que les deux accusés qui se trouvaient à 500 km de Paris le 13 novembre 2015 étaient aussi complices des attaques dans la capitale française.Selon son analyse, un attentat était prévu par la cellule le même jour à l’aéroport de Schipol à Amsterdam. Dans un ordinateur retrouvé dans une poubelle rue Max Roos à Bruxelles, un fichier rassemblait Schipol et le 13 novembre.Krayem et Ayari étant dans la capitale néerlandaise ce jour-là, « nous avons la conviction, mais ce n’est pas établi, qu’ils se sont rendus à l’aéroport dans le but de commettre un attentat.La préparation de l’attentat de Schipol relève de l’AMT. " Un élément qui pèse dans sa thèse, c’est l’absence de billet retour. « Ils n’avaient pas prévu de revenir. » Et lorsqu’on évoque Salah Abdeslam comme le « survivant » des attentats, pour Le Bris, Ayari et Krayem " sont clairement les deux autres survivants du commando du 13 novembre. " Car ses membres étaient interchangeables: l’un pouvant facilement être déplacé sur une autre cible.Ce qui fait donc de Krayem et Ayari des complices de l’attaque parisienne.Pour le même prix, ils auraient ainsi pu frapper Paris.Et là, ils risquent la perpétuité…