60 printemps en hiver - Il y a une vie après la vie
Une femme de 60 ans quitte son mari, et c’est tout l’équilibre familial qui est chamboulé. L’histoire émouvante d’une difficile mais nécessaire libération personnelle.
Publié le 02-06-2022 à 08h00
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Le jour de son soixantième anniversaire, Josy plante mari, enfants, petits-enfants devant son gâteau, bien décidée à entamer un nouveau chapitre loin de cette vie qui n’en finissait plus de l’étouffer.
Elle embarque donc à bord du vieux van Volkswagen. Puis s’installe sur… un parking, avec pour seule voisine la caravane d’une mère célibataire que la mairie voudrait bien expulser. Rapidement, elle doit composer avec les reproches de ses enfants, qui l’invitent à reprendre "sa place". " Tu ne penses qu’à toi ", lui lance même sa fille, manifestement incapable de comprendre que c’est (enfin) son droit " Pour eux, voir leurs père et mère encore ensemble a quelque chose de rassurant", estime Ingrid Chabbert, la scénariste de 60 printemps en hiver . " Ils viennent manger le dimanche , poursuit-elle, mais ne se demandent jamais s’ils sont encore heureux. C’est comme pour la vie sexuelle de nos parents: ce sont des questions qu’on ne se pose jamais… "
Si Josy était un homme, on dirait: ‘‘Il fait sa crise de la soixantaine’’. Elle, on la culpabilise
Josy, elle, se la pose. Et doit assumer le rôle de la "vilaine", celle qui part la première. Pas facile quand on est femme… et pas facile quand on a son âge: " C’est sûr, glisse Ingrid Chabbert, que les choses seraient différentes si elle était un homme. On dirait: ‘‘Il fait sa crise de la soixantaine’’. Elle, au contraire, on la culpabilise de quitter ce pauvre homme incapable de se débrouiller. C’est propre, aussi, à cette génération de femmes à qui on a appris à ne pas faire de vagues, à se contenter de ce qu’elles ont, surtout à ce stade de leur vie. On est plus habitué à voir une femme de 30 ans tout plaquer. "
Aimée De Jongh, la talentueuse dessinatrice hollandaise de 60 printemps en hiver , rappelle pourtant une évidence: " Aujourd’hui, 60 ans, ce n’est plus vieux. Et une femme n’est pas qu’une mère ou une grand-mère, mais aussi et d’abord une personne, avec des désirs, des sentiments ", estime la jolie trentenaire.
Les hommes partent souvent parce qu’ils ont ‘‘rencontré quelqu’un’’. C’est moins le cas pour les femmes...
En l’occurrence, de sentiments, Josy n’en a plus pour son mari. Et la chose n’est pas si grave: " Passé un certain stade, reprend Ingrid Chabbert, beaucoup de couples deviennent des colocataires. Certaines s’en contentent, d’autres pas. Et, contrairement aux hommes, qui ont souvent rencontré ‘‘quelqu’un d’autre’’, ces dernières s’en vont d’abord pour retrouver leur liberté, pas pour retomber amoureuses. Josy est de celles-là. Elle a bien sûr de l’affection pour celui qui reste le père de ses enfants. Mais elle a encore envie de vibrer. " Y compris sexuellement: " La sexualité des seniors, c’est le tabou des tabous: une femme de son âge qui quitte son mari mais qui, en plus, a une vie sexuelle, ça paraît toujours dingue ". Alors que c’est juste la vie.
De Jongh/Chabbert, Dupuis (Aire Libre), 120 p., 23 €.