Pétrole russe: l’Union à l’épreuve du consensus
Les 27 discutaient âprement de l’embargo sur le pétrole russe ce lundi. Une sanction lourde qui se heurtait à une absence d’unanimité.
Publié le 30-05-2022 à 18h27 - Mis à jour le 30-05-2022 à 19h08
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De l’avis de plusieurs sources diplomatiques européennes, il n’était pas exclu que le sommet européen extraordinaire qui se tient ces lundi et mardi accouche d’une décision importante. À savoir l’adoption, par les 27, du sixième paquet de sanctions à l’encontre de la Russie, singulièrement l’embargo sur le pétrole russe, proposé par la Commission voilà près d’un mois mais toujours pas avalisée par les États membres.
En cause, l’absence d’unanimité sur cet embargo, la Hongrie y étant encore farouchement opposée. "Pour le moment il n’y a pas de compromis du tout!" , s’est exclamé le Premier ministre hongrois Viktor Orbàn juste avant la tenue du sommet, fustigeant le manque de propositions concrètes de la part de la Commission pour remédier à la fin des importations de pétrole russe dont l’État hongrois dépend fortement. "L’énergie est un problème sérieux" , a ajouté ce dernier; "d’abord nous avons besoin de solutions, puis des sanctions. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas de solutions..."
Optimisme de rigueur
Quelques minutes auparavant, le président du Conseil européen, Charles Michel, se montrait pourtant optimiste quant à l’issue des discussions : "Les sanctions, le sixième paquet, sont sur la table depuis plusieurs semaines mainentenant, et les prochaines heures doivent être le moment, je le crois, de décider, de faire un pas en avant. Il y a des sensibilités, des progrès ont été possibles dans les dernières heures, et nous verrons si ce moment de vérité est possible dans les prochaines heures..."
Au sein de la bulle diplomatique européenne, on affichait un peu moins de confiance. Certes, "il y a eu des avancées ces derniers jours, mais cela reste encore fragile à ce stade" , soufflait-on en amont de la réunion. Et, s’il est certain que les discussions ont effectivement progressé ces dernières semaines, les 27 étant tous d’accord pour se passer à terme du pétrole russe, il reste maintenant à savoir comment, et surtout quand, l’embargo pourrait avoir lieu.
Plan clé en main
Pour le comment, la Commission a semble-t-il un plan clé e -main qui devrait permettre d’épargner quelques secousses énergétiques du côté hongrois : il s’agirait de ne cibler que le pétrole acheminé par bateaux afin d’épargner l’oléoduc Droujba, qui alimente notamment la Hongrie en pétrole russe. Une solution que ne goûte visiblement pas Orbàn, qui anticipait quasiment l’échec d’un accord avant même le début de la réunion : "La situation dans laquelle nous nous trouvons est difficile, et a été créée par la Commission. S’il n’y a pas d’accord aujourd’hui cela doit être mis au crédit de la Commission" , ponctuait-il. La présidente de cette dernière, Ursula Von der Leyen, ne cachait d’ailleurs pas son pessimisme : "Nous avons pour l’instant résolu tous les problèmes sauf un, c’est l’approvisionnement de pétrole via pipeline. Cela fait partie des discussions et je ne m’attends pas à ce que cela soit résolu dans les 48 prochaines heures" , expliquait-elle.
Une position qui contrastait avec celle du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui lui s’est dit "confiant sur un accord" prochain, soulignant que la veille (dimanche dernier), et dans la matinée de ce lundi, "les discussions ont consisté à pousser en faveur d’un accord" . Celui-ci croit dur comme fer à l’art du consensus à l’européenne. En octobre 2020, alors que l’Union peinait à se relever de la crise du covid et que des divergences majeures avaient mis à mal la cohésion au sein de l’Union, Borrell avait déclaré que " ce qui compte dans l’UE, ce n’est pas tant la manière dont une discussion s’engage, mais la manière dont elle se conclut. " À l’époque, son optimisme s’était révélé justifié. Et maintenant ?