11 ans après Soleil, Mourad Boudjellal veut refaire le coup
Le fondateur des éditions Soleil, ensuite parti diriger le Rugby Club de Toulon, revient à la BD, et lancera bientôt une nouvelle maison d’édition sous la bannière d’Éditis.
Publié le 30-05-2022 à 08h00
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Trente-trois ans plus tard, le revoilà! En 1989, Mourad Boudjellal lançait les éditions Soleil avec, pour seuls fonds, " un emprunt de 7500 € pour lequel mon père éboueur s’était porté caution ". " La BD, c’était mon rêve d’enfant , rappelle-t-il. Mais j’étais persuadé que…ça s’arrêterait très vite. "
Le petit provincial qu’il était passe d’ailleurs très vite proche de la banqueroute: " Comptablement, je suis mort avant de publier la première intégrale de Rahan." À la place, il a construit " un empire " puisque Soleil, curiosité éditoriale venue du Sud – la maison est historiquement implantée à Toulon – a ensuite connu une success story, construite autour de séries phares comme Trolls de Troy , Lanfeust ou Les forêts d’Opal e, et qui a, sous la houlette de Boudjellal, duré plus de 20 ans. Avant que n’intervienne, en 2011, le rachat par Delcourt. La passion de la BD était toujours là, bien sûr, " mais j’ai un problème", confie-t-il avec cette assurance que d’aucuns voient comme de l’arrogance, avant d’en préciser la nature: " Quand j’ai réussi tout ce que je voulais dans un domaine, j’arrête ."
Revivre les soirées angoumoisines
Entre-temps, l’homme avait surtout investi dans le rugby. Et pris la présidence du Rugby Club de Toulon, avec qui il sera champion de France et, plus fort encore, champion d’Europe trois années consécutives – un exploit toujours inégalé. " J’ai dû choisir ", se souvient-il. Et il a, comme souvent, bien choisi.
Devenu par ailleurs un trublion médiatique, dont les interventions saillantes font le bonheur des stations radio (RMC) ou des chaînes de télé (BFM, Eurosport), Mourad Boudjellal surprend encore, aujourd’hui, avec son retour annoncé à la bande dessinée, deux ans après avoir délaissé le ballon ovale et à un âge – 61ans – où il pourrait se contenter de compter ses billes, façon Picsou: " Bouger tout le temps, c’est ma, façon d’éviter d’attendre la finalité qui nous guette tous. Le boulot est une sorte de drogue, qui me permet aussi de vivre plusieurs vies. "
Si je ne réussi pas avec les moyens de Vivendi, c’est que je suis un peintre!
Sa nouvelle le ramène, on l’a dit, à ses premières amours. Et à un milieu dont il a jadis cassé les codes. Les anciens se souviennent notamment des soirées mémorables organisées en marge du festival de la bande dessinée d’Angoulême. " Même les intellos qui ne m’aimaient pas y venaient ", glisse avec malice celui qui lancera donc, dans les prochains mois, une nouvelle maison d’édition, placée sous la bannière du groupe Éditis. Un retour qu’il veut ambitieux: " Je ne veux pas refaire ce que j’ai déjà fait. Mais souvent, à l’époque de Soleil, je me disais: ‘‘Ah, si j’avais les moyens’’. Aujourd’hui, avec Éditis, je les ai. En conséquence de quoi je n’aurai pas, non plus, d’excuse si je plante mon numéro. Si je ne réussis pas avec les moyens de Vivendi (NDLR: à qui appartient Éditis), c’est que je suis un peintre! "
Déjà près de 25 projets en cours
Impossible, pour l’heure, de connaître le nom de ce nouvel acteur, lequel devrait présenter son projet en janvier 2023, et à… Angoulême, bien sûr. " Si, du moins, la Ville accepte qu’on fasse un peu de tapage nocturne ", se marre celui qui annonce déjà près de 25 projets en cours. Et qui veut par-dessus tout installer Vivendi parmi les "acteurs incontournables" du marché. " Je veux , insiste-t-il, q ue Vivendi fasse partie du tour de table pour chaque gros projet. ".
Ce qui a changé? Les gens me parlent mieux qu’avant: il a fallu que je m’en aille pour être respecté
Et il peut, pour cela, compter sur son carnet d’adresses et une crédibilité que son absence de 11 ans a, paradoxalement, raffermie: " Des auteurs avec qui je n’avais plus eu de contacts depuis des années sont revenus spontanément vers moi, et ça m’a fait plaisir. Comme si cette période loin de la bande dessinée m’avait apporté une respectabilité que je n’avais pas avant: les gens me parlent mieux qu’avant, ceux qui disaient du mal de moi disent maintenant du bien, et les gens qui n’avaient pas peur de moi… ont peur. Il a fallu que je m’en aille pour être respecté. "