Et si on laissait tomber le revenu cadastral?
La Wallonie veut réformer sa fiscalité immobilière. À qui profite le système actuel ? Comment changer les comportements ?
Publié le 21-05-2022 à 06h00
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"À titre personnel, si on devait proposer un outil pour agir sur le territoire, ce ne serait pas le plan de secteur. Ni le schéma de développement communal. Ce serait la fiscalité : c’est ce qu’il y a de plus efficace pour induire des changements de comportements , à court, moyen et long termes ", assure Jacques Teller, professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’Université de Liège.
Le spécialiste vient d’inaugurer une série d’auditions en commission Budget du Parlement wallon sur une nouvelle fiscalité immobilière.La Région y réfléchit dans la perspective de la 7eréforme de l’État.
L’analyse de Jacques Teller est limpide: il vaut mieux que la Région se dégage du revenu cadastral et fonde sa fiscalité immobilière sur " une autre métrique ". En toute autonomie.
«Anachronique»
Le revenu cadastral reste une matière fédérale. Mais il permet la perception d’un impôt régional: le précompte immobilier. En 2022, il est toujours établi sur le revenu moyen normal net de 1975. Aucune actualisation générale depuis lors. Il est injuste, extrêmement disparate, critiqué par la Cour constitutionnelle, par la Commission européenne, etc. " L’outil est anachronique ", confirme le professeur liégeois.
Ayons " le courage politique" (comme dit le MR François Bellot) de l’actualiser? " Réestimer la valeur des biens dans toutes les rues, tous les territoires? Ce sont des moyens considérables ", répond Jacques Teller.Les pouvoirs publics ont-ils encore les reins assez solides pour assumer?Il en doute.
Par contre, et c’est ce qu’il préconise pour la Wallonie, "on peut encourager des comportements au travers des droits d’enregistrement ".
L’émancipation
Un exemple: la réduction forfaitaire des droits selon la densité de la population." On pourrait utiliser les droits d’enregistrement pour relocaliser l’habitat dans les zones plus denses ".
Jacques Teller y voit plusieurs avantages: c’est une base qui ne dépend plus du revenu cadastral (la Région s’émancipe), il n’y a plus de distorsion d’équité entre territoires et entre biens, on rencontre un des objectifs de la politique de développement territorial (à commencer par la lutte contre l’étalement urbain) " et ça repose sur un principe simple, facile à expliquer et aisément modulable ".
L’expert en urbanisme précise: " Je propose la densité, mais ça peut être l’accès aux services, la superficie du bien, de la parcelle, etc. C’est à définir par la Région, en fonction de ce qu’elle souhaite induire comme changement ", ajoute encore Jacques Teller. Qui conseille le développement de micro-simulations. " Il faut faire tourner des scénarios pour mesurer les effets à l’échelle d’un territoire, d’une région, d’un ménage. " Du grain à moudre pour les députés wallons.