Hausse des prix : les brasseurs sous pression
La hausse des coûts d’énergie et des matières premières se répercute sur le prix des bières. Tout n’est pas noir pour autant pour le secteur.
Publié le 17-05-2022 à 06h00 - Mis à jour le 17-05-2022 à 10h33
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De 379 brasseries produisant 1500 bières en Belgique en 2020, "on est passé aujourd’hui à plus de 400 et cela continue d’augmenter" , affirme Krishan Maugdal, le directeur de Belgian Brewers, fédération du secteur.Le Covid n’a donc pas dévasté le secteur, même si son succès tient davantage des performances à l’exportation (+ 64% et même +137% hors de l’Union européenne depuis 2010) que de la consommation de bière en Belgique (-32% en dix ans).
Et pourtant, les brasseurs rament.La guerre en Ukraine s’est ajoutée à la crise. "Tout devient plus cher. C’est très sensible du côté de l’énergie, nécessaire pour brasser, mais aussi des coûts du personnel et des matières premières à tous les niveaux: malt, houblon, bouteilles, étiquettes, packaging" , explique M.Maugdal.
"Pendant le Covid, tout était à l’arrêt.On a perdu au moins 50% de consommation dans l’horeca.La légère croissance des ventes dans les magasins alimentaires n’a pas pu compenser les pertes.Tout le monde a souffert, qu’il soit grand ou petit. Il y avait heureusement différentes mesures d’aide, de soutien au secteur.C’est difficile de dire pour l’instant quelles seront les conséquences de la guerre en Ukraine, mais avec cette accumulation des crises, ça va laisser des traces."
Une étude menée en avril de l’an dernier montrait, dit-il, que 65% des petites brasseries (moins de 50 travailleurs) qui se trouvaient dans une situation saine à la veille de la crise, ont été confrontées à des difficultés financières, "dont la moitié dans des situations sévères.Très peu ont dû fermer leurs portes, mais elles ont dû faire appel à des fonds extérieurs ou puiser dans leurs réserves.Leur capacité d’innovation a été érodée. Il y a heureusement beaucoup de résilience dans ce secteur."
«On ne sait pas dire comment cela va évoluer»
Cette hausse des coûts se répercute forcément sur les prix de vente." Si ça continue, cela risque d’être le cas pour certaines brasseries" , reconnaît Krishan Maugdan. "Les prix n’ont pas encore fortement augmenté pour le moment, mais je ne sais pas comment cela va évoluer. Ils ont une certaine marge, mais ils sont tous sous pression", admet le directeur de Belgian Brewers.
Chez AB InBev, comme pour la plupart des brasseurs, on avait déjà augmenté les tarifs aussi bien dans l’horeca que dans la grande distribution, au 1er janvier 2022.Soit avant que débute l’offensive russe en Ukraine. Une hausse légère, de 2 cents pour une Jupiler de 25 cl en supermarché, et de moins d’un demi cent pour un verre de 25 cl servi au fût. Il s’agit là du prix du producteur, mais c’est l’exploitant du bar ou le supermarché qui décide du tarif qui sera appliqué.
«Au jour le jour»
"On ne décide pas du prix final pour le consommateur, confirme Pascaline Vandeperre, la porte-parole de l’entreprise. AB Inbev doit également faire face à une hausse des coûts, et pas seulement pour les matières premières.Tout augmente.Il est important d’examiner la situation au jour le jour et de discuter avec les fournisseurs. Nous ne pouvons pas anticiper les prix." Une nouvelle hausse reste donc à craindre.
"La sensibilité du prix à l’exportation est beaucoup moins grande qu’en Belgique.Là, le positionnement des tarifs est plus haut, il y a plus de marge" , souligne encore Krishan Maugdal. En 2020, les trois quarts de la production de bière belge étaient exportés. Et ce n’est pas réservé aux géants du secteur. Les microbrasseries ont, elles aussi, intérêt à vendre leurs bières à l’étranger dans la mesure où les circuits de distribution, monopolisés par les grands groupes chez nous, notamment pour l’horeca, leur "sont plus accessibles sur d’autres marchés" .
"C’est vrai globalement, mais ce n’est pas si simple pour autant" , témoigne Grégory Verhelst, gérant de la Brasserie de Rulles à Habay.Une petite société pour qui l’export représente 45% des ventes (surtout en Italie et en France), sans que l’objectif soit de faire "du volume pour du volume" souligne le responsable. "Dans des brasseries de la taille de la mienne (3500 hectolitres, 7 employés), on est quand même sur des prix qui ne sont pas les plus bas.Proportionnellement, on est moins impactés que les industriels qui ont des prix serrés."
"On sait que les coûts vont continuer à augmenter mais c’est difficile d’évaluer l’impact exact que cela aura.Les prix varient très fort, les offres se font parfois sur une semaine.On doit essayer de faire tampon par rapport à nos clients, de trouver des solutions. La grande inquiétude se situe plutôt sur la rupture de notre chaîne d’approvisionnement. On va avoir des problèmes de fournitures, de bouteilles par exemple. Mais ça pend au nez de toute l’économie."