«Ce qui m’a plu, c’est la rencontre entre le monde paysan et les artistes»
En 2013, David Caumette a sauvé sa ferme du Tarn en y installant… un cabaret. Une histoire incroyable transposée par Jean-Pierre Améris dans une comédie réjouissante. Rencontre avec le réalisateur et Sabrina Ouazani, actrice principale du film.
Publié le 10-05-2022 à 08h00
De la culture à l’agriculture, il n’y a guère que deux syllabes, tout au plus quelques lettres. Bref un pas que Jean-Pierre Améris, réalisateur bien connu des Émotifs anonymes (2010), franchit aujourd’hui avec Les folies fermières , une comédie venue transposer, avec sa part de fiction, l’aventure un peu folle - c’est bien le mot - entreprise en 2013 par David Caumette, un agriculteur du Tarn.
À l’époque, comme beaucoup de collègues, l’homme croule sous les dettes. Mais ne peut se résoudre à perdre la ferme familiale. Il entreprend alors d’y monter un…cabaret rural, recrute artistes et performeurs et parvient à ses fins puisque le public répond présent, consommant au passage les produits issus de son exploitation - et du village voisin.
J’ai aimé que le salut de l’exploitation de David passe par le spectacle, qui est quelque chose qui nous réunit
Plus de dix ans plus tard, cette success story, si elle a tout de l’exception, continue d’inspirer. Par exemple Améris, donc, qui a vu dans ce sujet un formidable scénario: " Ce que j’ai trouvé beau, raconte-t-il à la veille de la sortie de son film, c’est la rencontre entre le monde paysan et celui des artistes. Que le salut de l’exploitation de David passe par le spectacle, qui est quelque chose qui nous réunit. "
Vaincre les a priori
Ainsi que le démontre, souvent avec humour, parfois moins, son long-métrage, la chose ne s’est pas faite sans heurts, ce qui rend sa réussite plus remarquable encore: " David me raconte souvent que quand il s’est rendu à Toulouse recruter ses artistes, et notamment ses danseuses, elles pensaient qu’il cherchait des femmes, comme dans L’amour est dans le pré", sourit Jean-Pierre Améris. " Et c’est vrai qu’il a fallu surmonter beaucoup d’a priori pour monter ce cabaret: ceux de sa famille sur les artistes, en particulier ceux de son grand-père, pour qui c’était la honte de faire venir des ‘‘saltimbanques’’ et des filles à plumes dans la ferme familiale; l’agriculture, c’est concret pour eux: c’est semer et récolter. Mais les artistes avaient aussi des a priori à dompter: les paysans, c’est des lourds, des bouseux, ils ne connaissent rien à l’art. Notre film essaie de batailler un peu contre les a priori et de réunir. C’est un éloge du collectif ", lance celui qui joint l’acte à la parole, et invite souvent David Caumette à présenter Les folies fermières avec lui, lors des avant-premières en "province", comme on dit à Paris: " Un agriculteur et un réalisateur qui présent, c’est beau, parce que c’est le sujet du film ".
Les loges maquillages se trouvaient… au-dessus de la grange: les acteurs ont un peu râlé au début, puis ils s’y sont fait
C’était aussi un peu l’histoire du tournage puisque celui-ci a eu lieu au printemps 2021, alors que la France vivait un deuxième confinement: " Personne ne rentrait à Paris, il y avait encore un couvre-feu si bien que pendant toute la durée du tournage, l’équipe a vécu…dans la ferme du Cantal où nous avons tourné, se remémore le cinéaste. Comme dans le film! On a été immergés pendant trente jours dans cette ferme avec les agriculteurs qui nous y accueillaient. Les loges maquillage se trouvaient même… au-dessus de la grange. Les acteurs ont un peu râlé au début, puis ils s’y sont fait. "
Des rebelles
Et Jean-Pierre Améris a pu, lui, concrétiser son propre rêve en adaptant, avec talent, l’histoire de ce rêveur qui lui en rappelle furieusement un autre: " Bien sûr que David me fait penser à mon propre itinéraire: je viens moi aussi d’une famille modeste, où l’on a essayé de me décourager de faire du cinéma. On me disait que ce n’était pas possible, qu’il fallait venir d’un milieu riche, avoir du piston. C’était presque un encouragement à rester dans mon coin, à accepter la fatalité. Mais non, j’ai choisi d’être, à ma façon, et à celle de David, un ‘‘rebelle’’: un peu doux-dingue, mais tenace. "
«Les folies fermières», comédie de Jean-Pierre Améris. Avec Alban Ivanov et Sabrina Ouazani. Durée: 1h49. Sortie le 11/5.
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