Comment éviter l’exode chinois du bois wallon?
La filière bois reste aux prises avec l’appétit de la Chine pour les feuillus wallons. Il est urgent de trouver une solution.
Publié le 06-05-2022 à 19h05
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La Chine était au centre des débats des "Rencontres filières bois" qui ont eu lieu ce vendredi à Libramont. Une Chine qui, depuis près de deux ans, fait main basse sur les grumes de feuillus wallons, en particulier le chêne, ne laissant que les miettes aux scieurs wallons. Ceux-ci ont beau y mettre le prix, lors des ventes, les traders qui opèrent pour l’Empire du Milieu mettent sur la table au moins 30% de plus. Si les propriétaires forestiers se frottent les mains, c’est bien toute la filière des scieries qui, faute de matière, est en péril, dit-on à l’Office économique wallon du bois, organisateur de ces rencontres.
La solution, tous les acteurs du secteur sont d’accord là-dessus, passera par la mise en place d’une filière de transformation de ces grumes. Car, comme le soulignait la ministre wallonne de la Forêt, Céline Tellier, " c’est une aberration de perdre cette valeur ajoutée quand ces bois partent à l’étranger ". Si la Wallonie a pris quelques mesures pour freiner l’exode de son bois vers la Chine (vente des bois domaniaux en priorité aux scieurs wallons, facilitation de la vente de gré à gré par les communes), le vrai salut pour la filière bois passe par la mise en place d’un outil de valorisation (au-delà du seul sciage) des feuillus locaux, avec de nouveaux produits et procédés qui apporteront cette valeur ajoutée en Wallonie. Or, on en est loin puisque seulement 5% des feuillus wallons sont transformés localement. " On est dans la même situation que quelqu’un qui se laisse mourir de soif à côté d’une fontaine ", image Emmanuel Defays, le directeur de l’Office économique wallon du bois.
Limiter les exportations? L’Europe peu favorable
Reconstruire une vraie filière de transformation du bois, telle qu’elle a existé jadis en Wallonie, prendra du temps. Et du temps, les scieurs wallons qui n’ont plus rien à se mettre sous la lame n’en ont pas. Dès lors, certains en appellent à l’Europe pour qu’elle mette un frein à ces exportations de bois vers la Chine.
Pour Thomas Levaillant, de la DG commerce de la Commission européenne, mettre de telles barrières à l’export, c’est s’exposer à un retour de manivelle de la Chine en termes de débouchés pour nos produits. Par ailleurs, si l’Europe est riche en bois, elle dépend des échanges internationaux pour 137 autres produits stratégiques. Fermer le robinet dans un sens c’est prendre le risque d’une coupure dans l’autre.
Certains pays africains, comme le Gabon, l’ont pourtant fait en refusant d’exporter leurs grumes. " Oui, mais c’est provisoire, le temps de lancer leur propre filière de transformation ", note Thomas Levaillant. L’Europe pourrait aussi le faire, " mais il ne faut pas croire que c’est une solution structurelle ", c’est une solution temporaire et de dernier recours. Et à condition que tous les États membres soient d’accord, ce qui n’est pas le cas. Car si la Chine phagocyte le chêne wallon, pour d’autres pays européens, elle offre des débouchés pour des ressources pour lesquelles il n’y en a pas d’autres.