Florence Aubenas docteure honoris causa de l’UCLouvain: «Le travail de terrain est à la fois humble et irremplaçable»
La journaliste et écrivaine française Florence Aubenas a reçu, jeudi, le titre de docteure honoris causa de l’UCLouvain pour sa recherche de la vérité à travers de grands reportages et des enquêtes fouillées. Nous l’avons rencontrée.
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/AUATNT6C55HN5GVEMDSMRXFIJM.jpg)
Publié le 28-04-2022 à 21h40 - Mis à jour le 29-04-2022 à 08h16
Prendre le temps de s’imprégner de la réalité du terrain, en écoutant, en observant, sans juger. C’est le credo de la journaliste et écrivaine française Florence Aubenas, grand reporter au journal Le Monde. Elle raconte le réel –qu’il s’agisse de conflits, de faits divers ou de réalités sociales– à hauteur d’être humain. C’est cette recherche de la vérité, de plus en plus souvent mise à mal par les fake news, que l’UCLouvain a voulu honorer.
Florence Aubenas, le réel est-il plus compliqué à relater à l’heure des fake news?
Je ne dirais pas cela car les faits restent les faits mais la manière de les appréhender change. Il y a d’un côté les faits concrets et, de l’autre, le doute à propos de tout. La guerre en Ukraine illustre bien ce mélange troublant du vrai qui nous explose à la figure et de son irréalité totale. On n’est pas dans une guerre de frappes chirurgicales mais dans une guerre des tranchées. Il y a des bombes, des morts, des civiles qui fuient par milliers… et de l’autre cette virtualité totale: des personnes fiables décrivent la situation mais on ne les croit pas…
Le travail des journalistes est de plus en plus souvent critiqué, remis en question….
C’est notre chance à nous journalistes qu’il y ait cette nouvelle approche des choses sur les fake news car cela nous oblige à revoir notre corps de métier, à nous interroger: comment relater les faits, comment dire qu’ils sont vrais, comment expliquer aux gens faire la part des choses…? C’est une vraie responsabilité que les journalistes doivent saisir.
Le journaliste doit lui aussi faire la part des choses. Comment?

En allant sur le terrain. Pour moi, c’est la seule école, mais c’est compliqué, il faut trouver l’endroit d’où l’on peut voir ce qui se passe exactement. Ce qui m’a beaucoup touchée dans ce doctorat honoris causa, c’est le fait l’on reconnaisse comme une vraie discipline ce travail de terrain qui est à la fois humble et, pour moi, irremplaçable. C’est d’autant plus important avec la multiplication des fake news relayées par les réseaux sociaux.
Pourquoi alternez-vous reportages de guerre et sujets sociaux?
Quand vous ne faites que du reportage de guerre, vous finissez par ne plus traiter que de la guerre, c’est-à-dire faire le décompte des bombes qui tombent de part et d’autre, et ne plus vous soucier des personnes qui sont sous les bombes… L’Ukraine a ceci d’intéressant, on voit bien le pays bien plus que dans les autres conflits. Les Ukrainiens parlent beaucoup et nous les écoutons bien mieux que les Syriens…
Le fait divers reste un genre important à vos yeux…
Oui, parce qu’il représente beaucoup d’enjeux: la démocratie, la présomption d’innocence… Et puis, cela fait écho à la part obscure des contes de fée: les ogres, les loups… Les faits divers sont les derniers contes de fées… noirs bien sûr.
Vous avez vécu 18 ans à Bruxelles. Quel lien gardez-vous avec la Belgique?
Pour moi, c’est le pays de l’enfance. Quand j’arrive ici, je me sens chez moi…