Sécurité alimentaire: «Des règles sanitaires pas adaptées aux petits producteurs»
Les représentants des acteurs de circuits courts alimentaires réclament une adaptation des réglementations et contrôles sanitaires pour les petits producteurs, artisans transformateurs et distributeurs.
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Publié le 22-04-2022 à 06h55
Depuis une dizaine d’années, le circuit court alimentaire s’est peu à peu imposé à notre quotidien, d’abord dans les régions rurales, ensuite dans les zones urbaines. S’il n’existe aucune définition officielle du concept, l’on considère généralement en ces termes la pratique de commercialisation alternative de produits – le plus souvent agricoles ou horticoles – qui consiste à limiter à un seul le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur.
En d’autres termes, le circuit court consiste " à rester au contact des gens ", paraphrase Benoît Dave, co-directeur de la coopérative Paysans Artisans.
Avec ses partenaires du réseau baptisé Collectif des Coopératives citoyennes pour le Circuit court (Collectif 5C), il partage une vision du circuit court alimentaire basé sur " des productions qualitatives et diversifiées, des unités de production de petite taille, c’est-à-dire à taille humaine, une limitation radicale du recours aux intrants chimiques, une proximité dans l’approvisionnement et la distribution, ainsi qu’un lien coopératif entre les producteurs et les consommateurs ".
Or, " nous vivons aujourd’hui un momentum ", estime Benoît Dave, lequel développe son propos: " Depuis son apparition dans nos régions voici une dizaine d’années, la pratique du circuit court a atteint une certaine maturité. Elle est devenue au fil des ans une réalité. Et il est temps, aujourd’hui, d’adapter la réglementation à cette réalité nouvelle ".
Freins au développement
Sur le terrain, bien qu’il soit de plus en plus plébiscité par les citoyens, ce type d’activités rencontre pourtant un certain nombre de freins dans son développement et sa professionnalisation.
En juin 2021, le Collectif 5C a mené – en partenariat avec DiversiFERM, la Socopro et la Sowalfin – une enquête auprès des 35 coopératives de distribution en circuit court qu’il fédère, ainsi que des 1150 petits agriculteurs et artisans transformateurs que celles-ci regroupent. Les constats sont unanimes: sans nier le rôle indispensable de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) ni la nécessité de règles et de contrôles d’ordre sanitaire, les personnes interrogées estiment que les exigences en la matière imposées par la réglementation en cours ne correspondent pas à leur réalité. " Ces règles ne sont tout simplement pas adaptées aux petites unités de production ", synthétise Aurélie Lainé, de chez DiversiFERM. Or, lorsqu’elles se développent, ces dernières basculent rapidement dans la catégorie des grossistes, dont ils ne partagent pas du tout la même réalité.
" L’un des principaux freins rencontrés concerne ce changement de statut imposé aux coopératives qui veulent se développer , souligne Aurélie Lainé. Car celui-ci implique pour ses fournisseurs de changer eux aussi de statut ."
" Or, ce saut de catégorie est énorme ", assure Cédric Melin, maraîcher et membre de la coopérative Agricovert.
Car un tel changement impose " de gros investissements financiers " et peut " augmenter significativement la fréquence et les coûts des contrôles par l’Afsca ".
Par exemple, pour un artisan transformateur de type boucherie à la ferme, ce changement de statut impose d’obtenir un agrément. Outre la création de structures spécifiques dédiées à cette seconde activité de transformation, cela implique une importante hausse des contrôles sanitaires, dont la charge financière est supportée pour moitié par l’artisan: d’un contrôle tous les deux ans, on peut alors rapidement passer à 4, voire 8 contrôles annuels. " De quoi engendrer un surcoût annuel de 7000 euros , a calculé Marie Poulaert (Collectif 5C). Et ce, peu importe le chiffre d’affaires ou le volume de production. " En somme: deux poids, mais une même mesure.
Et il faut aussi ajouter " le stress, la pression mentale ou encore le manque à gagner " que représente un tel contrôle, glisse encore Julien Vankeerbeghen, de La Ferme de Julien, à Incourt.
Groupe de travail
" Mais nous restons optimistes , assure Benoît Dave. Car nous constatons une ouverture de la part de l’Afsca, qui se rend compte que le monde change ."
Cette dernière reste, à l’heure actuelle, tenue de faire appliquer la réglementation existante, sans faire de différence entre les grossistes alimentaires et l’agro-industrie d’une part et les petits producteurs ou artisans transformateurs d’autre part. Mais récemment, un groupe de travail réunissant l’Afsca et divers représentants du secteur a pu voir le jour.
" Nous espérons que cette initiative permettra de trouver des solutions adaptées aux réalités des acteurs du circuit court afin de confirmer la volonté politique de développer de telles pratiques sur le territoire belge ", concluent le Collectif 5C et ses partenaires, lesquels attendent désormais un signal fort émanant du pouvoir politique.