La quête de l’électeur de gauche
Lors de ce débat, les deux candidats devront surtout trouver les arguments pour séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon.
Publié le 20-04-2022 à 06h00
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Lors de cette figure imposée de l’entre-deux-tours, les enjeux, pour les deux candidats en lice, seront sensiblement différents du débat de 2017. Les Français scruteront la capacité du président sortant à défendre clairement son bilan et son projet. Marine Le Pen devra, pour sa part, renvoyer une image moins agressive et plus crédible qu’il y a cinq ans.
Dans cette séquence, l’objectif sera d’aller chercher les électeurs de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui faisait pas moins de 22% au premier tour. "En ce qui concerne les abstentionnistes, il ne faut pas rêver.Les personnes qui ne se sont pas déplacées pour le premier tour ne se déplaceront pas cette fois-ci" , estime Pierre Mathiot, professeur de sciences politiques et directeur de Science Po Lille.
Pour tenter de comptabiliser quelques voix supplémentaires, la candidate d’extrême droite s’attaquera, sans surprise, au bilan d’Emmanuel Macron. "Elle dira sans doute qu’il est le président des élites, qu’il n’a rien fait pour les plus modestes, elle pourrait faire référence aux gilets jaunes.Pour aller chercher l’électorat de gauche, il faut un positionnement très social.Elle se présentera donc certainement comme la présidente du pouvoir d’achat, en affirmant que les plus modestes seront aidés."
Rappelons que la patronne du Rassemblement national a fait un carton auprès des électeurs des communes rurales: "Elle expliquera qu’elle compte remettre en place des services publics dans les régions rurales, négligées par Macron.".
Démasquer la candidate d’extrême droite
Emmanuel Macron a-t-il, lui aussi, intérêt à gauchiser son discours pour remporter ce duel?Pierre Mathiot n’en est pas convaincu: "Je pense que, fondamentalement, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon n’aiment pas Macron.S’il change subitement de discours pour les séduire, ils vont vraiment commencer à se méfier…"
La stratégie adéquate serait surtout de se montrer ouvert au dialogue, mais aussi de démontrer qu’en face se trouve une candidate dangereuse. "L’argument, pour Macron, serait de dire qu’on peut être contre lui, c’est le principe de la démocratie.Sauf qu’il est un adversaire politique, pas un ennemi." L’idée est en quelque sorte de "démasquer" Marine Le Pen qui, malgré un travail de normalisation de son parti, continue de proposer un programme xénophobe et autoritaire, notamment sur l’islam ou sur la notion de priorité nationale qu’elle souhaite inscrire dans la Constitution.
"Lorsque Marine Le Pen est revenue sur l’identité nationale, Macron a été très bref et très fort sur ce sujet en disant qu’il fallait arrêter de parler de cela, que la France était une et plurielle, et qu’il fallait l’accepter telle quelle.C’est un discours qui peut recristalliser le vote des gens de gauche" , ajoute Pierre Baudewyns, professeur de sciences politiques à l’UCLouvain.
Si la candidate d’extrême droite est, à l’évidence, mieux préparée qu’en 2017, Macron soulignera certainement le caractère imprécis, sur les chiffres entre autres, de son programme.
L’angle international devrait également s’inviter dans le débat, poursuit Pierre Mathiot.Dans un contexte de fortes tensions et de conflit aux portes de l’Union européenne, "le manque d’expérience de Marine Le Pen et ses positions anti-européennes et pro-russes devraient être mises en évidence."
La question du style reste néanmoins cruciale dans ce type d’exercice.L’un des enjeux, pour le président sortant, sera dès lors de déjouer le procès de l’arrogance. "Le vrai risque pour Macron, c’est qu’il ne prenne pas Marine Le Pen au sérieux et qu’on le juge méprisant.Elle pourrait alors se victimiser.S’il la “prend de haut”, cette attitude pourrait clairement se retourner contre lui."