Zemmour, Pécresse, Jadot et Hidalgo: 4 nuances de désillusion
Les partis traditionnels sont les grands battus de ce premier tour. Plus interpellant encore, hormis Macron, aucun parti n’étant pas d’un extrême n’a dépassé le seuil des 5 %. De quoi offrir quelques grosses désillusions...
Publié le 11-04-2022 à 06h00 - Mis à jour le 11-04-2022 à 06h01
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Si Emmanuel Macron et Marine Le Pen accèdent au second tour de la présidentielle, cela signifie de facto que dix autres candidats ont été recalés. Pour certains d’entre eux, la défaite sera particulièrement dure à digérer.
C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France Insoumise, qui franchit la barre des 20% mais échoue à la plus mauvaise place.
Pour Éric Zemmour, Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Anne Hidalgo, le résultat obtenu est encore bien pire.
1.Éric Zemmour (Reconquête!): 7%
La grande désillusion
L’ex-trublion du PAFreconverti en colporteur de slogans à tendance fasciste visait clairement le second tour. Raté! Véritable phénomène de cette campagne, Zemmour avait pourtant bénéficié d’une visibilité dans les médias à faire pâlir d’envie les autres candidats.
Sacralisation de la valeur nationale en tant que valeur suprême, culte du sauveur providentiel ou encore incessants appels à l’histoire de France, l’objectif de " reconquête " présenté aux électeurs avait dans un premier temps réussi à capter une certaine attention. Mais ses assertions puantes et sans nuance ont fini par agacer ceux qui ne voyaient en lui qu’un simple et honnête candidat de la rupture, découvrant qu’il s’agissait en réalité d’un dangereux prêcheur des idées radicales collant à l’extrême droite. Au point de faire passer Le Pen et son Rassemblement national comme bien plus "fréquentable".
En maintenant la question identitaire et la politique migratoire au cœur de sa campagne, l’ancien polémiste a aussi délibérément choisi de nier les véritables préoccupations des Français: pouvoir d’achat, environnement et santé notamment. Difficile, dès lors, d’aller pêcher dans les urnes autre chose que les voix des fachos se revendiquant de la "Génération Z". Or, et c’est rassurant, ceux-ci ne sont pas majoritaires outre-Quiévrain.
2.Valérie Pécresse (LR): 4,8%
Le naufrage républicain
Loin derrière le Rassemblement national de Marine Le Pen, la candidate des Républicains s’est écrasée en plein vol pour chuter à moins de 5% des suffrages.
Prise en étau entre d’une part le centre dépouillé de ses électeurs par Macron et d’autre part la droite dure confisquée par Le Pen et Zemmour, Pécresse n’a cessé de se battre durant toute la campagne pour tenter d’émerger sur l’échiquier politique. Opérant ainsi – dès le second tour de la primaire de son parti – un revirement vers une droite plus décomplexée, plus dure, ses prises de paroles et de positions ont parfois carrément flirté avec la phrasologie et les idéaux de l’extrême droite.
En faisant ainsi le choix de concurrencer Le Pen plutôt que Macron, Pécresse a fini par perdre sur les deux tableaux. Créditée dans certains sondages de la deuxième place – avec 16% des intentions de vote – au lendemain de son investiture chez les Républicains, elle n’a cessé de reculer dans la hiérarchie pour, au final, échouer sur le cinquième marchepied, le dernier obtenu par un candidat de la droite.
Difficile, dès lors, d’envisager Pécresse dans ce rôle de cheffe de l’opposition représentant " une droite de convictions " qu’elle vise pour les législatives de juin.
3.Yannick Jadot (EÉLV): 4,7%
La rendez-vous manqué
Après les européennes de 2019, où les Verts avaient obtenu un score historique tout juste au-dessus des 10%, Yannick Jadot espérait bien surfer sur la vague et profiter de la mobilisation des 18-34 ans, tranche des électeurs chez qui le candidat écologiste était apparu comme le premier choix.
Sauf que, entre-temps, la crise sanitaire et celle de l’Ukraine ont renvoyé la question climatique loin au second plan des préoccupations des Français. Voici quelques jours encore, le clan de Jadot avait fustigé l’absence des thématiques environnementales au sein du débat public encadrant la campagne. Dans un tel contexte, " c’est difficile d’exister ", avait reconnu la porte-parole du candidat à nos confrères de France 24. Et ce n’est pas les vaines tentatives de recentrer la campagne sur la chasse ou le handicap qui auront changé la donne.
Mais si, du coup, briguer le poste de challenger pour le second tour semblait un poil trop ambitieux, glisser sous le seuil des 5% sonnera comme une cinglante défaite pour les Verts en général et pour leur cause en particulier. D’autant que le député européen a longtemps frôlé les 8%. Mais le réveil, à gauche, de Jean-Luc Mélenchon, aura donné le coup de grâce à ce qu’il convient de qualifier de "rendez-vous manqué" pour Jadot et les défenseurs du climat.
4.Anne Hidalgo (PS): 1,7%
La gauche traditionnelle humiliée
Ce n’est plus une défaite pour la gauche traditionnelle, c’est une véritable humiliation. Créditée de moins de 2% des suffrages, la candidate socialiste et maire de Paris n’a pu infléchir l’inexorable descente aux Enfers de son parti.
Et dire que, dix ans plus tôt, le candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, remportait plus de 28% des votes lors du premier tour avant de s’emparer de l’Élysée deux semaines plus tard! Une autre époque…
Il y a 5 ans, déjà, le Parti socialiste – alors emmené par Benoît Hamon – avait dégringolé largement sous la barre des 10%. Dans une gauche en profonde crise et morcelée entre les différentes tendances, la socialiste Hidalgo n’a jamais vraiment trouvé sa place entre l’insoumis Mélenchon et l’écologiste Jadot. Même Fabien Roussel, le candidat du Parti communiste français, obtient un meilleur résultat.
Mais contrairement aux apparences, Hidalgo n’a jamais brigué le fauteuil présidentiel. Elle était par contre à la bonne place, mais au mauvais moment. Et c’est d’ailleurs avant tout pour préparer les législatives de juin que le PS avait absolument tenu à proposer "son" candidat à la présidentielle. Histoire de continuer d’exister sous les projecteurs de la campagne. Ou plutôt, de tenter de survivre
Les suffrages indiqués sont ceux connus au moment de boucler notre édition (sources: Ipsos)