Sur les traces de la Malinche
Le roman graphique de l’autrice espagnole Alicia Jaraba réhabilite la figure historique de celle qui fut la traductrice, et sans doute davantage, d’Hernàn Cortés, le conquérant du Mexique.
Publié le 07-04-2022 à 08h00
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Malinalli, Malintzin ou encore Doña Maria: elle a porté bien des noms sans que l’on sache avec précision le rôle qu’elle a joué dans la colonisation du Mexique par le conquistador espagnol Hernàn Cortés. au début du XVIe siècle.
DansCelle qui parle, un épais roman graphique de plus de 200 pages, Alicia Jaraba réhabilite la figure historique de la "Malinche" à partir d’éléments épars: fille d’un "cacique" (un chef local) née aux alentours de 1500, cette femme indigène est devenue, à l’arrivée de Cortés, la traductrice de l’envahisseur.
Un super-pouvoir linguistique
Un statut qu’elle devait d’abord à des connaissances linguistiquesforgées par les épreuves de la vie: avant de mourir, probablement assassiné par les Aztèques, son père l’avait poussée à apprendre leur nahuatl. Plus tard, après avoir été vendue par sa propre mère aux Mayas, elle apprendra la langue maya, si bien que sa capacité à converser avec les deux peuples sera rapidement vue comme un atout par Cortés lui-même.
" Les langues se révèlent être le super pouvoir de ce personnage, expose Alicia Jubara.Et cela me parle: une année, comme beaucoup de jeunes auteurs, je suis allée présenter mes travaux au Festival de la BD d’Angoulême. Alors que j’attendais mon tour, je me suis retrouvée à traduire les propos de dessinateurs espagnols à une éditrice. Par la suite, Portugais et Italiens ont également eu besoin de mon aide… J’ai vu défiler au moins 15 personnes!"
Pour certains, elle a trahi son peuple. Pour d’autres, elle est la mère de l’identité mexicaine
Mais La Malinche fut plus qu’une traductrice: intelligente et dotée d’un vrai talent de négociatrice, elle permettra à Cortés – dont elle deviendra la maîtresse, lui donnant même un fils – d’en apprendre beaucoup sur les croyances et traditions locales. De quoi faciliter la conquête… et s’attirer une réputation qui perdure, aujourd’hui encore: celle d’une traîtresse. " Pour certains, La Malinche a trahi son peuple, et pour d’autres, elle est la mère de l’identité mexicaine, relate l’autrice espagnole de 33 ans.Les historiens du XIXe siècle ont réécrit l’histoire en diabolisant cette figure. Ils ont même créé le terme ‘‘malinchismo’’ qui se dit aux Mexique d’une personne ‘‘qui trahit les siens pour collaborer avec les autres’’."
Alicia Jubara part, au contraire, de son enfance pour montrer une femme poussée aux compromissions par les circonstances, ou le simple désir de survivre. Un portrait beau, car complexe, libre et authentique.
«Celle qui parle», Alicia Jaraba, 216 p., 24.90 €.